Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01975, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903321 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01975, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein des ateliers de la flotte de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 25 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs ateliers de la flotte de Toulon et de Mururoa du 1er mars 1973 au 8 mars 2001. Par une réclamation préalable du 13 juillet 2018 reçue le 16 juillet 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 22 novembre 2007 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [Atelier militaire de la flotte de Toulon et de Mururoa] du 1er mars 1973 au 2 septembre 1985 et du 5 mai 1986 au 8 mars 2001 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates du début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 22 novembre 2007, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2007. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2008, cette créance était prescrite à la date du 16 juillet 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01975 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01991, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903354 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01991, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de l'atelier militaire de la flotte de Toulon de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de l'atelier militaire de la flotte de Toulon du 1er septembre 1963 au 3 janvier 1979 et du 5 juin 1979 au 3 septembre 1994. Par une réclamation préalable du 8 juin 2018 reçue le 11 juin 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 4 juillet 2011 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., major, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : Atelier militaire de la flotte de Toulon du 1er septembre 1963 au 3 janvier 1979 et du 5 juin 1979 au 3 septembre 1994 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 4 juillet 2011, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2011. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2012, cette créance était prescrite à la date du 11 juin 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01991 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01980, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903312 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01980, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein des ateliers de la flotte de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs ateliers de la flotte de Toulon et de Mururoa du 1er mai 1966 au 20 novembre 1999. Par une réclamation préalable du 5 juillet 2016 reçue le 7 juillet 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 14 décembre 2009 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [Atelier militaire de la flotte de Toulon et de Mururoa] du 1er mai 1966 au 20 novembre 1999 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 14 décembre 2009, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2009. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2010 cette créance était prescrite à la date du 7 juillet 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01980 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 7ème chambre, 31/12/2024, 23PA02722, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Par un jugement n° 2110757/6-3 du 20 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2023 et 27 septembre 2023, et un mémoire enregistré le 22 avril 2024, M. B..., représenté par Me Riccardi, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition, ainsi que la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui attribuer les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, et de prendre en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : S'agissant du jugement attaqué : - celui-ci est irrégulier dès lors qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au premier mémoire en défense présenté par le ministre ; S'agissant de l'arrêté attaqué : - il a été signé par une autorité incompétente ; - il méconnaît les dispositions des articles 2, 3 et 7 du décret du 28 mars 1967, celles de l'article 24 du décret du 12 mars 1986 et celles des articles 1er et 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - il est entaché d'une erreur de fait et de qualification juridique des faits ; - il méconnaît le droit de propriété et le principe du respect des biens garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ; - le décret n° 86-416 du 12 mars 1986 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ; - le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ; - le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ; - le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ; - la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes du 11 octobre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Desvigne-Repusseau, - les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique, - et les observations de Me Riccardi, avocat de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., capitaine de police alors affecté à la préfecture de police de Paris, a été, par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 18 janvier 2021, mis à disposition de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, organisme de l'Union européenne dénommé jusqu'en 2019 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (ci-après l'Agence Frontex), pour servir à Varsovie (Pologne) en tant que " border guard officer " durant deux ans à compter du 1er janvier 2021. Par un courrier du 25 février 2021, reçu le 8 mars suivant, l'intéressé a formé un recours administratif dirigé contre cet arrêté en tant que celui-ci ne lui attribue pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. En raison du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'intérieur sur ce recours, celui-ci doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté le 8 mai 2021. M. B... fait appel du jugement du 20 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2021 et de la décision du 8 mai 2021 en tant que ces décisions ne lui attribuent pas les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, ainsi que le supplément familial, ni ne prend en compte la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". 3. Le respect du caractère contradictoire de la procédure et des dispositions citées au point précédent impose que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur, ainsi que les autres productions si elles contiennent des éléments nouveaux, soient communiqués aux parties en leur laissant un délai suffisant, au besoin en reportant à cette fin la date de l'audience, pour qu'elles puissent en prendre connaissance et éventuellement y répondre par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction. 4. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Paris que le ministre de l'intérieur a produit un mémoire en défense enregistré le lundi 27 mars 2023 au greffe de ce tribunal, communiqué le même jour au conseil de M. B... et reçu par celui-ci le mardi 28 mars 2023. La clôture de l'instruction devant intervenir trois jours francs avant l'audience du jeudi 6 avril 2023, soit le dimanche 2 avril 2023, le conseil de M. B... disposait ainsi d'un délai de cinq jours pour répondre, le cas échéant, au premier mémoire en défense présenté par le ministre. Dès lors qu'il ressort des pièces de la procédure que le conseil de M. B... n'a présenté avant la clôture de l'instruction, ni même avant l'audience, aucune demande de délai supplémentaire pour répondre à ce mémoire en défense, qu'il n'était pas présent à l'audience, alors qu'il avait reçu l'avis d'audience le 13 mars 2023, et qu'aucune note en délibéré n'a été présentée tendant à faire état d'une circonstance particulière justifiant le renvoi de l'affaire, M. B... doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant disposé d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire en défense. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière. Sur les conclusions à fin d'annulation : 5. En premier lieu, M. B... soutient que l'arrêté du 18 janvier 2021 a été signé par une autorité incompétente. Toutefois, Mme C..., adjointe à la cheffe du bureau des officiers de police et signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du directeur des ressources et des compétences de la police nationale en date du 1er septembre 2020, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française le 3 septembre 2020, à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur tous actes, arrêtés ou décisions relevant des attributions de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, à l'exclusion des décrets, aux fins d'exercice des permanences, le bureau des officiers de police relevant, en vertu de l'arrêté du 27 décembre 2017 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, de la sous-direction de l'administration des ressources humaines qui a pour mission, notamment, d'assurer la gestion administrative et statutaire du corps de commandement de la police nationale dont M. B... faisait partie à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté. 6. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 1er du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Le présent décret fixe les modalités de calcul des émoluments des personnels civils employés par l'Etat ou les établissements publics à caractère administratif en dépendant et en service à l'étranger (...) / (...) / Des arrêtés conjoints du ministre d'Etat chargé de la réforme administrative, du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires étrangères pris sur proposition du ministre intéressé préciseront, pour chaque ministère, les grades et emplois des personnels ainsi que les pays étrangers auxquels les dispositions du présent texte sont applicables (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Les émoluments des personnels visés à l'article 1er comprennent limitativement, sous réserve des modalités d'attribution prévues par le présent décret, les éléments suivants : / 1° Rémunération principale / (...) / L'indemnité de résidence à l'étranger (...) / (...) / 2° Avantages familiaux : / -le supplément familial / (...) / 3° Indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels / D'établissement / (...) / De déplacement / 4° Réductions diverses pour tenir compte / (...) / Des rétributions que l'agent peut percevoir d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger / (...) / Les émoluments des personnels visés à l'article 1er sont exclusifs de tout autre élément de rémunération (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Lorsque l'agent perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, ses émoluments peuvent être calculés : / Soit par application du présent décret. Dans ce cas, les émoluments sont réduits pour tenir compte des rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger / Les conditions dans lesquelles sont calculées ces réductions sont fixées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre de l'économie et des finances / Soit forfaitairement. Dans ce cas, le total formé par le montant de l'indemnité forfaitaire que l'agent perçoit au lieu et place des émoluments prévus au présent décret et celui de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'intéressé percevrait par application du présent décret s'il ne recevait aucune rémunération du gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger ". 7. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais relatifs aux déplacements effectués (...) entre la France et l'étranger : / - par les personnels civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Pour l'application des dispositions du présent décret : / 1° La résidence à l'étranger s'entend comme le lieu où l'agent est affecté pour au moins dix mois / (...) / 3° Le changement de résidence s'entend comme un mouvement lié : / - à une affectation à l'étranger pour au moins dix mois (...) ". Aux termes de l'article 20 du même décret : " L'agent changeant de résidence et régi, dans son affectation de départ et/ou de destination, par les dispositions du décret du 28 mars 1967 susvisé (...) a droit, s'il n'est pas recruté sur place ou résident au sens des dispositions de [ce décret], à la prise en charge : / - du voyage entre son ancienne et sa nouvelle résidence pour lui-même et les membres de sa famille, dans les conditions prévues au titre VI du présent décret / - des autres frais qui en résultent pour lui-même et les membres de sa famille dans les conditions prévues aux articles 24 et suivants du présent titre / (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " La couverture des frais de changement de résidence de l'agent et de sa famille autres que les frais de voyage est assurée par l'attribution d'une indemnité forfaitaire / (...) ". 8. Enfin, aux termes de l'article 1er du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 : " Le présent règlement institue un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes pour assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Les autorités nationales des États membres chargées de la gestion des frontières, y compris les garde-côtes dans la mesure où ils effectuent des tâches de contrôle aux frontières, les autorités nationales chargées des retours et l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommée " Agence ") constituent le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " (...) / 2. L'Agence comprend le contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après dénommé " contingent permanent ") visé à l'article 54, qui est doté d'une capacité allant jusqu'à 10 000 membres du personnel opérationnel (...) ". Aux termes de l'article 54 du même règlement : " 1. (...) Le contingent permanent se compose des quatre catégories suivantes de personnel opérationnel (...) : / (...) / b) catégorie 2 : personnel détaché par les États membres auprès de l'Agence pour une longue durée dans le cadre du contingent permanent, conformément à l'article 56 / (...) ". Aux termes de l'article 56 du même règlement : " 1. Les États membres contribuent au contingent permanent en détachant des membres du personnel opérationnel auprès de l'Agence en tant que membres des équipes (catégorie 2). La durée de chaque détachement est de vingt-quatre mois (...) / 2. Chaque État membre veille à fournir une contribution continue en membres du personnel opérationnel détachés en tant que membres des équipes (...). Les coûts exposés par le personnel déployé en vertu du présent article sont payés conformément aux règles adoptées en vertu de l'article 95, paragraphe 6 / (...) ". Aux termes de l'article 95 du même règlement : " (...) / 6. (...), le conseil d'administration adopte les règles relatives au détachement de membres du personnel auprès de l'Agence par les États membres conformément à l'article 56 (...). Ces règles comprennent notamment les dispositions financières relatives à ces détachements (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 10 de la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence Frontex du 11 octobre 2020, prise en application des dispositions précitées du 6 de l'article 95 du règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019, que les frais d'hébergement, de transport et autres frais pertinents directement liés à l'affectation de l'agent détaché sont pris en charge par cette agence. Celle-ci prend également en charge les frais de voyage entre l'Etat membre d'origine de l'agent détaché et le lieu de son affectation au début comme à la fin de son détachement. L'Agence Frontex verse par ailleurs à l'agent détaché une indemnité journalière de séjour ainsi qu'une indemnité annuelle de déplacement privé. 9. Les dispositions de l'article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur, qui définissent la mise à disposition comme " la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir ", ne font pas obstacle à l'application des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, dont le bénéfice a été étendu aux personnels titulaires des services actifs de la police nationale par un arrêté interministériel du 21 février 2013, et du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 aux fonctionnaires en situation de mise à disposition, dès lors qu'ils relèvent de l'Etat ou d'un établissement public à caractère administratif de l'Etat et qu'ils accomplissent leur service à l'étranger. 10. Il résulte des dispositions précitées du décret du 28 mars 1967, notamment de son article 3, que, lorsqu'un agent en service à l'étranger perçoit une rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger, l'administration dispose de deux méthodes de calcul alternatives pour déterminer le montant des émoluments mentionnés à l'article 2 du même décret restant à sa charge. Soit elle déduit des émoluments qu'elle a déjà versés à son agent les rétributions versées par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, soit elle accorde à son agent, en lieu et place des émoluments, une indemnité forfaitaire dont le montant, ajouté à celui-ci de la rétribution versée par le gouvernement étranger ou l'organisme situé à l'étranger, ne doit pas excéder les émoluments que l'agent percevrait en l'absence de rémunération d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger. 11. Tout d'abord, les dispositions de l'article 10 de la décision 30/2020 du conseil d'administration de l'Agence Frontex du 11 octobre 2020 ne prévoyant pas le versement d'une indemnité similaire au supplément familial qui est au nombre des émoluments pouvant être versés à l'agent servant à l'étranger, le ministre ne pouvait légalement refuser à M. B... le bénéfice du supplément familial au motif, invoqué en appel comme en première instance, que les indemnités versées par l'Agence Frontex ne sont pas cumulables avec le supplément familial. 12. Ensuite, alors que le ministre indique, sans être contredit sur ce point, que l'Agence Frontex verse aux agents nationaux détachés auprès d'elle diverses indemnités tendant à couvrir les frais liés à leur affectation située en dehors de leur Etat d'origine, ainsi qu'il ressort des dispositions citées au point 8, M. B... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que l'Agence Frontex n'aurait pas prévu de lui verser ces indemnités, ni, dans le cas contraire, que celles-ci ne seraient pas assimilables aux indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger prévues par la réglementation française ou que, le cas échéant, leur montant serait inférieur à celui qui lui serait dû par l'administration française s'il ne devait percevoir aucune rémunération de la part de l'Agence Frontex. 13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante-cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités / (...) le bénéfice de la bonification acquise dans les conditions qui précédent est maintenu aux fonctionnaires des services actifs de la préfecture de police également soumis aux dispositions de la loi précitée du 28 septembre 1948 et dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, supérieure à cinquante-cinq ans, auxquels sont également applicables les dispositions de l'alinéa précédent / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " (...) les personnels des services actifs de police appartenant aux catégories énumérées au premier alinéa de l'article 1er (...) de la présente loi peuvent être admis à la retraite, sur leur demande, à la double condition de justifier de vingt-sept années de services effectifs ouvrant droit à la bonification précitée ou de services militaires obligatoires et de se trouver à cinq ans au plus de la limite d'âge de leur grade (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 14. Le bénéfice de la bonification spéciale de retraite, prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957, est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification spéciale de retraite pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. 15. Si M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées des articles 1er et 2 de la loi du 8 avril 1957, la seule circonstance que l'arrêté attaqué n'indique pas que le temps de service accompli par le requérant durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex pourra être pris en compte au titre des services actifs ouvrant droit à la bonification spéciale de retraite prévue par ces dispositions, n'induit pas nécessairement que le ministre aurait implicitement refusé de prendre en compte ce temps de service dès lors que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition ne dispose pas d'un droit automatique au bénéfice de la bonification spéciale de retraite. Du reste, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce conformément aux dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure. Par suite, ce moyen doit être écarté. 16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne (...) a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / (...) ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Aux termes de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général / (...) ". 17. Si les pensions civiles et militaires de retraite constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations et dispositions citées au point précédent, la bonification spéciale de retraite, prévue par les dispositions précitées de la loi du 8 avril 1957, en étant un accessoire, M. B... n'est toutefois pas fondé à se prévaloir des stipulations et dispositions citées au point précédent dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 15, que les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'Agence Frontex seraient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'un fonctionnaire actif de police exerce en France au sein des services actifs de police. De même, s'agissant des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait titulaire d'une créance certaine dans son principe comme dans son montant ni qu'il disposerait d'une espérance légitime d'obtenir ces indemnités pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés. 18. En sixième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. 19. Il résulte de ce qui précède que, si elles ont le même intitulé et le même objet, les indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger dont peuvent bénéficier les militaires et celle dont peuvent bénéficier les fonctionnaires civils résultent de dispositions distinctes et propres aux statuts et sujétions respectifs des militaires et des fonctionnaires civils. Par conséquent, M. B..., qui se prévaut, en s'appuyant sur des bulletins de solde établis pour les mois de juin et septembre 2023, de la circonstance qu'un gendarme et un adjudant de gendarmerie, détachés auprès de l'Agence Frontex et affectés par celle-ci en Serbie respectivement du 25 janvier 2023 au 31 décembre 2023 et du 25 janvier 2023 au 23 janvier 2024, ont bénéficié, en sus des frais et indemnités versés par l'Agence Frontex, des indemnités de résidence à l'étranger et de changement de résidence à l'étranger, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il ne lui attribue pas ces indemnités, méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement entre les agents publics. Il en va de même s'agissant de la bonification du cinquième du temps de service accompli durant sa mise à disposition à l'Agence Frontex dès lors que cette bonification, prévue par les dispositions citées au point 13, n'est ouverte qu'aux fonctionnaires actifs de la police nationale et qu'en outre, les bulletins de solde concernant le gendarme et l'adjudant de gendarmerie n'en font pas état. 20. En dernier lieu, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique des faits ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ces moyens doivent être écartés. 21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2021 en tant que le ministre de l'intérieur n'examine pas son droit éventuel au supplément familial, ainsi qu'à l'annulation de la décision du 8 mai 2021 par laquelle le même ministre a implicitement rejeté son recours administratif dirigé, dans cette mesure, contre cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'injonction : 22. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". 23. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la situation de M. B... au regard du droit au supplément familial soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : L'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2021 et la décision implicite du même ministre du 8 mai 2021 sont annulés en tant que le droit de M. B... au supplément familial n'est pas examiné. Article 2 : Le jugement n° 2110757/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 20 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la situation de M.B... au regard du droit au supplément familial et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Auvray, président de chambre, - Mme Hamon, présidente-assesseure, - M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024. Le rapporteur, M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président, B. AUVRAY La greffière, L. CHANA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02722
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 9ème chambre, 20/12/2024, 23PA02724, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre et d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de reconnaître imputable au service cette pathologie ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement n° 2115737 du 6 janvier 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, M. C..., représenté par Me Perriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur de droit en procédant d'office à une substitution de fondement à la décision attaquée ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas établi que le comité médical aurait été saisi et rendu un avis ; - la composition de la commission de réforme était irrégulière en l'absence d'un médecin spécialiste en médecine environnementale ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'il est manifeste que l'état des connaissances scientifiques ne permet pas d'exclure tout lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé. La requête a été communiquée à la ville de Paris qui n'a produit aucune observation. Par une décision en date du 17 avril 2023 du tribunal judiciaire de Paris, l'aide juridictionnelle partielle à 55 % a été accordée à M. C.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif aux congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... C..., adjoint administratif territorial en fonction à la préfecture de police, affecté au moment des faits à un service d'archives, souffre notamment d'un diabète de type 2 et d'une hypersensibilité chimique multiple (MCS). Il ressort des pièces du dossier que le diagnostic de son diabète a été posé en 2007. Il a été admis, par arrêté du 12 avril 2016, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 26 avril 2016. Par une décision du 20 août 2015, le préfet de police, en qualité de chef de l'administration parisienne, a refusé de reconnaître ces pathologies comme imputables au service. Par un jugement n° 1517317 du 6 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision pour méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C.... Par décision du 6 avril 2017, le préfet de police a reconnu l'imputabilité au service de l'hypersensibilité multiple aux produits chimiques (MCS) dont est atteint M. C... mais a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son diabète de type 2. Par un jugement avant dire droit n° 1621906, 1709246 en date du 19 avril 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur les causes de cette pathologie. Le médecin généraliste expert désigné a déposé son rapport au greffe du tribunal le 29 décembre 2018. Par un jugement au fond n° 1621906, 1709246 en date du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a, notamment, annulé la décision prise par le préfet de police le 6 avril 2017 en tant qu'elle ne reconnaissait pas imputable au service le diabète de type 2 dont était atteint M. C... pour défaut de motivation. Il a également enjoint au préfet de police de réexaminer une nouvelle fois sa situation. En exécution de ce jugement, le préfet de police a pris un nouvel arrêté le 25 mai 2021 par lequel il a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre l'intéressé. Par un jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 dont M. C... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2021 précité. 2. Dans ses écritures, M. C... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'aucun des différents rapports communiqués n'exclut la possibilité de l'existence d'un lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail nonobstant l'absence d'unanimité des connaissances scientifiques étaient de nature à révéler la probabilité d'un lien entre cette maladie et le service. Il fait valoir que si d'autres facteurs ont éventuellement pu intervenir, il est impossible d'exclure que les conditions dans lesquelles il a travaillé pendant plusieurs années n'ont pas été de nature à susciter le développement de sa pathologie. 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct mais non nécessairement exclusif avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 4. M. C..., qui demande la reconnaissance de l'imputabilité au service du diabète de type 2 qui lui a été diagnostiqué en 2007, soutient que cette maladie résulte de son exposition à des produits d'entretien organochlorés dans les locaux des archives de la police nationale à Créteil à compter du mois d'avril 2003. 5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports d'expertise établis par un professeur et un médecin en date des 9 octobre 2013 et 7 mai 2014 (respectivement Professeur E... et Docteur B...), que M. C... est atteint d'un diabète de type 2 diagnostiqué en 2007 et qu'il ne présente aucun antécédent familial ou médical. En outre, il a exercé les fonctions d'archiviste à compter du mois d'avril 2003 dans un local non ventilé au cours desquelles il a été en contact avec des produits organochlorés, à savoir le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, ce que reconnaît expressément le préfet de police dans ses écritures en défense, et il est constant que l'exposition à ces produits a provoqué chez lui dès 2004 une hypersensibilité aux produits chimiques multiples que l'administration a reconnue imputable au service, génératrice de pertes d'équilibre et de troubles cognitifs. Ces substances ont fait l'objet d'une interdiction de mise sur le marché par une décision 2008/809/CE du 14 octobre 2008 de la commission européenne et il était prévu un délai de 12 mois, soit jusqu'au 25 octobre 2009 pour l'écoulement des stocks et le retrait du marché des produits contenant de telles molécules. Or, il ressort de la fiche de visite du 13 mars 2013 établie par le service de médecine du travail, mentionnée dans le rapport du 9 octobre 2013 précité, que le nettoyage des sols y compris dans le local où travaillait M. C... a continué à être effectué avec un produit d'entretien à type de détergent du nom de " système ultra " réservé aux professionnels qui contenait entre autres ingrédients du 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et du 2-methyl-2H isothiazol-3-one. Or, en l'état des connaissances scientifiques actuelles, il apparaît que, dans une majorité de cas, le diabète de type 2 est une affection induite par des produits chimiques tels que PCB, dioxines, HAP (etc...) et par conséquent que l'exposition prolongée à des produits organochlorés, tels que le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, accroît le risque de développer un diabète de type 2. En outre, il ressort du rapport d'expertise du Docteur A... en date du 24 décembre 2018 que M. C... a été admis, en raison de son diabète, en congé de longue maladie entre 2007 et 2010 et qu'il a repris le service, d'abord dans le cadre d'un service à mi-temps thérapeutique puis à temps plein, entre 2010 et 2013, dans les mêmes conditions de travail et notamment d'exposition aux produits chimiques mentionnés, son diabète restant non stabilisé. Si le préfet insiste sur l'état de santé antérieur et relève notamment qu'à la date d'apparition des symptômes l'intéressé avait un important surpoids et de l'hypertension, il convient de relever que selon une étude de CHEM Trust intitulé " Panorama scientifique des liens entre exposition chimique et risque d'obésité et diabète " accessible tant au juge qu'aux partie à l'adresse internet suivante https://www.chemtrust.org/wp-content/uploads/French-DO-Summary-1.pdf, " de nouvelles données scientifiques suggèrent que l'exposition à certaines substances chimiques de synthèse présentes dans notre environnement peut jouer un rôle important dans le développement de l'obésité. Alors que l'obésité est un facteur de risque reconnu du diabète, les preuves de l'implication des substances chimiques dans l'épidémie de diabète s'accumulent. Les données épidémiologiques sont même plus probantes que pour le lien entre substances chimiques et obésité (...) Il est également admis qu'une exposition à de faibles doses de certaines substances chimiques entraîne une prise de poids ". Les auteurs insistent sur l'action délétère des perturbateurs endocriniens qui aux stades les plus vulnérables du développement peuvent programmer irréversiblement l'organisme humain au diabète. Ce constat a été également mis en avant dans le rapport ECOD publié par le Réseau Environnement Santé disponible à l'adresse internet suivante https://www.env-health.org/IMG/pdf/DP_ECOD_VF.pdf, ou dans l'article de M. Jaffiol, président honoraire de l'académie nationale de médecine intitulé " perturbateurs endocriniens et diabète : mythe et réalité " en date du 12 décembre 2022 disponible à l'adresse internet suivante https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/JAFFIOL-2022.pdf, dans lequel il précise que " le National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) a conclu qu'il existe de nombreuses données suggérant le rôle de plusieurs perturbateurs endocriniens dans la progression actuelle de l'obésité et du diabète. L'analyse de la littérature apporte effectivement une série de données expérimentales et humaines en faveur de cette hypothèse. (...) ". Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... souffrait d'hypertension artérielle dès 1998, et de tachycardie, il ressort du rapport du Professeur E... en date du 9 octobre 2013, mentionné ci-dessus, que son état de santé était bon lors de son entrée dans le service en 2003. 6. Eu égard aux causes complexes et multifactorielles du diabète de type 2, l'ensemble des éléments précités font apparaître une probabilité suffisante d'un lien direct entre la pathologie de M. C... et le service, sans qu'y fassent obstacle ni l'absence de bilan approfondi du diabète non insulino dépendant de M. C..., ni le rapport d'expertise judiciaire en date du 24 décembre 2018 sur lequel le jugement s'est notamment fondé et qui conclut que " le diabète de type 2 de M. C... ne trouve pas, en l'état actuel de la science, son origine directement dans une exposition aux produits organochlorés " et à l'absence de lien direct, certain et unique. Ainsi le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette affection. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et des autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision en litige et du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". 9. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que la préfecture de police reconnaisse la pathologie de l'intéressé comme imputable au service. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 55 %. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxe à Me Perriez dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre M. C... est annulé.Article 3 : Il est enjoint à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... à compter de l'année 2007 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.Article 4 : L'Etat versera à Me Perriez une somme de 1 500 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02724 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 3ème chambre, 22/01/2025, 24LY02136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Chambéry d'annuler la décision du 16 juillet 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1907203 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble, auquel a été transmise la demande de M. A... en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 468256 du 24 juillet 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire à la cour. Procédure devant la cour L'affaire ainsi renvoyée a été enregistrée le 24 juillet 2024 sous le n° 24LY02136. Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - l'infirmité de M. A... a été constatée le 23 août 1993, en-dehors des délais de présomption, et ne trouve pas sa cause dans la mission poursuivie au Cambodge ; - les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 21 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 novembre 2024. Par une décision du 20 novembre 2024, la nouvelle demande d'aide juridictionnelle formée par M. A... a été rejetée. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par une ordonnance du président de la cour du 13 décembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique, - et les observations de Me Jeudi, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... était caporal-chef sous contrat dans l'armée de terre jusqu'à sa radiation des contrôles en 1997. Il a sollicité le 13 octobre 2010 une pension pour l'infirmité résultant d'une hépatite C chronique, dont il attribue l'origine aux conditions sanitaires dans lesquelles il a servi, du 4 décembre 1992 au 12 juin 1993, au Cambodge, dans le cadre de la mission Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). Par une décision du 16 juillet 2012, le ministre de la défense a rejeté cette demande de pension. Sur transmission du tribunal des pensions de Chambéry, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... contestant cette décision. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 468256 du 24 juillet 2024, le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de M. A..., a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire à la cour. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2020 et la décision du 16 juillet 2012, et d'enjoindre à l'administration de lui verser la pension due au titre des séquelles de son infection au virus de l'hépatite C à un taux qui ne saurait être inférieur à 20 % pour cette infirmité, à compter du 13 octobre 2010, à titre subsidiaire, à un taux d'au moins 10 %. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le droit à pension : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date d'ouverture du droit à pension allégué par le requérant, soit le 12 juin 1993 : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. (...)/ La présomption [ainsi] définie (...) s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. En outre, pour l'application de la condition de délai permettant de bénéficier de la présomption d'imputabilité au service, le juge des pensions doit retenir la date du constat officiel de la première manifestation d'une maladie et non la date de diagnostic de la maladie qui peut être posé au-delà du délai. 4. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment des trois rapports d'expertise judiciaire des 8 janvier 2015, 15 octobre 2016 et 18 mars 2019, que si les tests de recherche de l'hépatite C utilisés à partir de 1991, dits de deuxième génération, étaient fiables à 95 %, la recherche de l'hépatite C n'était alors systématique que dans le cadre de dons du sang. La sérologie effectuée sur M. A... le 21 janvier 1992, soit environ onze mois avant son départ, n'a pas été effectuée à l'occasion d'un don du sang, n'a pas recherché la présence de marqueurs de l'hépatite C, et n'a ainsi mis en évidence qu'une absence de contamination à l'hépatite B. Aucun élément ne permet cependant d'attester d'une absence de contamination de M. A... à l'hépatite C à cette date. En outre, si M. A... fait état des conditions sanitaires générales très dégradées de la mission à laquelle il a participé durant sept mois, et de son exposition personnelle directe au risque de contamination par sa participation active au brancardage de populations civiles blessées et dans lesquelles la forte prévalence des hépatites notamment était reconnue par la littérature médicale, il n'établit pas davantage que le risque auquel il était exposé se trouvait augmenté par des blessures aux mains, susceptibles d'être une voie de contamination par contact avec du sang contaminé. Dès lors, aucune de ces circonstances ne permet d'établir que l'infirmité dont le requérant est atteint résulterait ou ne résulterait pas de l'une des causes prévues à l'article L. 2 cité au point 2. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à son retour de mission au Cambodge, le 12 juin 1993, M. A... a subi des prélèvements sanguins dont les analyses ont mis en évidence des anomalies hématologiques établies par deux bilans, le 27 juillet 1993 par un laboratoire privé et le 3 août 1993 par l'hôpital d'instruction des armées Laveran, lesquelles ont conduit les autorités militaires à déclarer l'intéressé inapte au service outre-mer. Les investigations menées dans leur prolongement, dont une sérologie positive le 16 août 1993, ont établi un diagnostic d'infection au virus de l'hépatite C, ultérieurement identifiée de génotype 3. Contrairement à ce qu'indique le ministre des armées, l'affection au titre de laquelle M. A... demande une pension a ainsi été constatée, au regard des analyses de sang opérées qui ont révélé des anomalies, dans le délai imparti pour la constatation de la maladie et au retour d'une opération de service au sens de l'article L. 3 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, et quand bien même il n'aurait pas déposé de déclaration d'un éventuel accident de contamination par contact sanguin dans l'exercice de ses fonctions pendant sa mission, M. A... bénéficie de la présomption d'imputabilité au service prévue par le 2° de cet article. 6. Si l'administration fait état du comportement personnel à risque de l'intéressé avant son incorporation et jusqu'à son départ en mission qui l'a exposé à des risques de contamination par ce virus et de la circonstance que son profil cicatriciel correspondait à un profil d'usager de drogues statistiquement associé à de telles contaminations, elle se borne à reproduire l'ensemble des analyses précises réalisées par les trois experts successivement commis à cet effet. Ainsi, en l'absence d'autres éléments, notamment médicaux, elle n'apporte pas la preuve dont elle a la charge de nature à renverser la présomption retenue au point précédent, et n'établit pas que la contamination de M. A... relève de manière directe et certaine d'une cause étrangère au service. En ce qui concerne le taux d'invalidité : 7. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de pension de l'intéressé pour évaluer ses droits à pension militaire d'invalidité, et notamment le taux d'invalidité résultant de l'infirmité en cause, soit en l'espèce, pour l'infirmité liée à l'hépatite dont souffre M. A..., au 13 octobre 2010. 8. D'une part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable au litige : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4, les pensionnés ou postulants à pension à raison d'infirmités résultant de blessures reçues ou de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service accompli : / (...) Soit (...) au cours d'opérations ouvrant droit au bénéfice de campagne double ou en captivité, ont droit à pension si l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 % (...) ". Aux termes de l'article L. 121-6 de ce code, dans sa version actuelle : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-5, ont droit à pension, dès que l'invalidité constatée atteint le minimum de 10 %, les militaires dont les infirmités résultent de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service lorsque celui-ci est accompli (...) 3° En opérations extérieures (...) ". Ces dernières dispositions, bien qu'intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés, sont susceptibles d'affecter ces droits dès lors que le législateur a entendu leur donner une telle portée. Il y a ainsi lieu de retenir que l'infirmité dont M. A... reste atteint du fait de l'hépatite C réputée contractée en service est susceptible d'ouvrir droit à une pension d'invalidité dans la mesure où celle-ci est au moins égale à 10 %. 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du même code : " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 % (...) ". Et aux termes de son article L. 10 : " Les degrés de pourcentage d'invalidité (...) correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Enfin, selon l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable, repris à l'article L. 125-8 : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante./ A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. (...) ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". 10. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expertise du 15 mars 2019, et au vu de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par l'infirmité résultant de la pathologie dont M. A... est désormais guéri, que le taux d'invalidité correspondant aux séquelles de l'infection au virus de l'hépatite C qu'il a subie doit être évalué à 10 %. Le requérant étant déjà titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à raison de séquelles de fractures des corps vertébraux dues à une blessure reçue à l'occasion de ses activités militaires, le taux d'invalidité de sa pension doit être fixé, pour la deuxième infirmité, proportionnellement à la validité restante, soit 9 %. Il s'ensuit que le taux global de l'invalidité dont M. A... reste atteint s'élève à 19 %. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et qu'il peut bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au taux de 19%. Sur les conclusions à fin d'injonction : 12. L'exécution du présent arrêt implique que la pension militaire d'invalidité de M. A... soit liquidée en tenant compte d'un taux de 19 % pour ses infirmités à compter du 13 octobre 2010, date de la demande de pension formée par l'intéressé au titre de sa seconde infirmité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. 13. Conformément à l'article 1231-6 du code civil, M. A... a droit aux intérêts au taux légal afférents aux sommes dues au titre des arrérages de pension, à compter de cette même date. Sur les frais d'expertise : 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais des expertises judiciaires ordonnées par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Savoie les 20 octobre 2014, 1er avril 2016 et 6 juillet 2018. Sur les frais liés au litige : 15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au bénéfice de M. A.... D E C I D E : Article 1er : Le jugement du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 16 juillet 2012 du ministre de la défense sont annulés. Article 2 : Il est attribué à M. A..., à compter du 13 octobre 2010, une pension militaire d'invalidité au taux global de 19 %. Les arrérages de la pension militaire d'invalidité seront assortis des intérêts au taux légal à compter de cette même date. Article 3 : Les frais des expertises ordonnées par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Savoie sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY02136
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01981, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903350 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01981, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 1er août 1970 au 23 octobre 1987. Par une réclamation préalable du 5 juillet 2016 reçue le 7 juillet 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 16 décembre 2005 établie par le directeur du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître honoraire, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 1er août 1970 au 28 avril 1973, du 16 mars 1974 au 1er juin 1975, du 6 octobre 1975 au 12 mars 1979, du 2 juillet 1979 au 10 janvier 1983, du 6 avril 1983 au 23 octobre 1987 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 16 décembre 2005, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2005. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2006, cette créance était prescrite à la date du 7 juillet 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01981 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 09/01/2025, 24LY01430, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 24 juin 2020 de la direction des pensions du ministère des armées refusant de lui allouer une pension militaire d'invalidité, et la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde du 11 mai 2021, refusant de faire droit à sa demande de versement d'une allocation de rechute, ainsi que d'enjoindre au ministre des armées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de reconnaître l'imputabilité au service des infirmités qui l'affectent, de lui accorder le bénéfice de la pension militaire d'invalidité et de procéder à la reconstitution de ses droits ou, à défaut, de statuer à nouveau. Par un jugement nos 2104561, 2108813 du 21 mars 2024, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. D..., représenté par Me Di-Cintio, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 ; 2°) d'annuler les décisions du 28 avril 2021 de la commission de recours de l'invalidité et du 4 novembre 2021 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui verser une pension militaire d'invalidité, à compter du 1er mars 2018, sur la base d'une invalidité de 50 % ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de reconstituer ses droits dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, dans le respect du secret médical et de l'égalité des armes durant les opérations d'expertise, d'une part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un expert neurologue ou rhumatologue pour évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation de sa pathologie lombaire, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros et, d'autre part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un collège d'experts psychiatres et rhumatologues afin d'évaluer l'invalidité consécutive à l'accident initial du 16 juillet 2009, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros ; 6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'une somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles en appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la lombosciatalgie L5-S1 qu'il subit trouve son origine dans une blessure imputable au service, la discopathie dont il souffrait avant l'accident du 16 juillet 2009 ne devant s'analyser qu'en une prédisposition et non en un état antérieur ; - le syndrome dépressif réactionnel dont il souffre est imputable au service, dès lors qu'il trouve son origine dans la perte de capacités physiques consécutives à un accident de service ainsi que dans un contexte de conflits professionnels, le " trait de personnalité " relevé par les experts ne constituant pas, par ailleurs, un état antérieur ; - le taux d'invalidité à prendre en compte est, à titre principal, de 10 %, ses infirmités résultant d'une blessure et non d'une maladie ou, à titre subsidiaire, de 30 %, ses infirmités résultant à la fois de la blessure et de la maladie ; - l'expertise réalisée à l'occasion de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité est entachée d'erreurs manifestes, ce qui justifie qu'une nouvelle expertise soit ordonnée en vue d'évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation du rachis lombaire ; - ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 portant refus de sa demande d'allocation de rechute sont recevables ; - sa demande d'allocation de rechute aurait dû être acceptée, les infirmités dont il souffre étant imputables au service. Par un mémoire enregistré le 6 décembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le décret n° 2017-624 du 11 avril 2017 relatif aux commissions de réforme de pensions militaires d'invalidité ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres ; - le code de la défense ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère ; - et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. M. C... D... est entré dans l'armée de terre le 1er décembre 1998. Le 16 juillet 2009, à la suite du déplacement de meubles lourds, il a ressenti une vive douleur au dos. Le 27 février 2012, il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour une sciatique L5-S1 droite. Cette demande a été rejetée par une décision, non contestée, du ministre des armées du 22 juillet 2013, par le motif que cette pathologie relevait d'une maladie et que le taux d'invalidité ne lui ouvrait pas droit à pension. M. D... a formulé une nouvelle demande de pension d'invalidité le 1er mars 2018, en raison de la même sciatique L5-S1 droite et d'un syndrome dépressif réactionnel. Cette demande a été rejetée par décision de la direction des pensions du ministère des armées du 24 juin 2020. L'intéressé a alors formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité, rejeté par décision du 28 avril 2021. Par ailleurs, à la suite de sa radiation des contrôles au grade de caporal-chef de 1ère classe le 30 octobre 2020, M. D... a demandé le 23 décembre 2020 l'attribution d'une allocation de rechute. Sa demande a été rejetée par le commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde par décision du 11 mai 2021. Le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressé à l'encontre de cette décision a été rejeté par la ministre des armées le 4 novembre 2021. M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 28 avril et 4 novembre 2021. Par un jugement du 21 mars 2024, dont M. D... relève appel, le tribunal a rejeté ces demandes. Sur la décision portant refus de pension militaire d'invalidité : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version en vigueur au 1er mars 2018, date de la demande de M. D... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service [...] ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. [...] La présomption définie aux 1° et 2° du présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. [...] ". 3. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. S'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 5. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que, faute pour les deux infirmités dont se plaint M. D... d'avoir été constatées lors d'une opération de guerre ou de maintien de l'ordre, la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'est pas applicable. Il lui appartient donc de démontrer qu'une relation directe existe entre l'origine de ses infirmités et le service. En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie lombaire : 6. A la suite du déplacement de meubles d'une chambre de la compagnie de commandement et de logistique le 16 juillet 2009, M. D... a ressenti une vive douleur en bas du dos, qui est persistante et augmente avec le temps. Il ressort de l'expertise réalisée en 2012 par le docteur A... à l'occasion de la première demande de pension militaire d'invalidité que huit jours après les faits, M. D... a effectué une radiologie qui a révélé une " discopathie L5-S1 ", confirmée par un bilan IRM. Cette discopathie est également mentionnée dans l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 6 février 2020. Cependant une telle pathologie, qui se caractérise par la lenteur du trouble dégénératif et ne saurait s'analyser comme une simple prédisposition, n'apparaît pas d'installation subite, n'ayant pu survenir brusquement, quelques jours seulement après le port d'une charge lourde. En l'absence de tout autre lésion constatée à l'imagerie, l'infirmité dont souffre M. D... ne peut donc qu'être regardée comme trouvant son origine déterminante dans un état pathologique préexistant, dont rien au dossier, et notamment pas les différents arrêts maladies produits, ne permet non plus de dire qu'il serait lui-même imputable au service. Dans ces circonstances, la pathologie dorsale dont est atteint M. D... n'apparaît pas consécutive à un fait de service précis mais trouve sa cause dans une maladie. 7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que sa pathologie dorsale n'est pas imputable au service. En ce qui concerne l'imputabilité au service du syndrome dépressif réactionnel : 8. Il ressort notamment du rapport d'expertise réalisé par le docteur B..., psychiatre, en date du 10 décembre 2019, que M. D... se trouve dans un état dépressif en raison de la perte de ses capacités physiques et des conséquences de cette situation sur sa vie personnelle et professionnelle, et de conflits professionnels. M. D... fait notamment état de brimades, d'une discrimination dans son évolution de carrière et de remarques racistes. Il reste que, comme il a été vu plus haut, la perte de capacité physique et l'infirmité dorsale dont souffre M. D... trouvent leur origine dans une pathologie dégénérative sans lien avéré avec le service, l'état dépressif réactionnel qu'elle a pu occasionner ne pouvant davantage être imputée au service. Par ailleurs, M. D... ne rapporte précisément aucune circonstance qui serait susceptible d'établir les conflits professionnels dont il fait état. 9. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'existence d'un éventuel état antérieur, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que le syndrome dépressif réactionnel n'est pas imputable au service. Sur la décision portant refus d'allocation de rechute : 10. Aux termes de l'article L. 4123-2-1 du code de la défense : " Les anciens militaires victimes, après leur radiation des cadres ou des contrôles, d'une rechute d'une maladie ou d'une blessure imputable aux services militaires et dans l'incapacité de reprendre leur activité professionnelle bénéficient d'une prise en charge par l'Etat de leur perte de revenu selon des modalités définies par décret. ". Aux termes de l'article D. 4123-37-1 du même code : " Les anciens militaires mentionnés à l'article L. 4123-2-1 du présent code bénéficient, selon les conditions prévues par les articles de la présente sous-section, d'une allocation visant à compenser, leur perte de revenu. La notion de rechute s'entend comme toute modification dans l'état de santé d'un ancien militaire, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure ou de la maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles des armées et imputable aux services militaires. ". 11. Il résulte de ces dispositions que les anciens militaires peuvent prétendre à bénéficier d'une allocation en cas de rechute à la condition que la blessure ou maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles qui fait l'objet d'une rechute ait été imputable au service. 12. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, les infirmités dont souffre M. D... ne sauraient être regardées comme imputables au service. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'allocation de rechute. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées. Copie en sera adressée à la ministre chargée des comptes publics. Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre ; Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ; Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025. La rapporteure, I. Boffy Le président, V-M. Picard La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY01430 al
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 26/12/2024, 22TL22515, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 2 mars 2020 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux, d'enjoindre à l'administration de procéder au versement d'une pension militaire d'invalidité à son profit pour ses deux infirmités, de condamner l'Etat aux entiers dépens et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale afin d'évaluer l'imputabilité de ses infirmités et son taux d'invalidité. Par un jugement n° 2003951 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 12 décembre 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement rendu 13 octobre 2022 ; 2°) de maintenir la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; - une expertise médicale ne doit pas, de façon systématique, être ordonnée dans le cadre de l'examen d'une demande de pension militaire d'invalidité de sorte qu'aucun vice de procédure n'a entaché la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020 ; à cet égard, la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre retient que l'examen de la demande débute seulement par une instruction administrative. Une mise en demeure a été adressée, le 19 septembre 2023, à M. B... A..., qui n'a pas présenté d'observations en défense. Par une ordonnance du 24 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a effectué son service national dans l'armée de terre du 1er décembre 1978 au 1er décembre 1979. Par une demande enregistrée le 27 novembre 2019, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux. Par une décision du 2 mars 2020, la ministre des armées a rejeté sa demande. Le 3 juillet 2020, M. A... a présenté le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 4 novembre 2020, rejeté. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour ces infirmités, a enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur l'office du juge : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Sur la régularité du jugement : 3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait commis une erreur de droit en retenant que l'expertise médicale constituait une garantie procédurale pour le militaire qui sollicite une pension d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement : 4. D'une part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 5. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " Aux termes de l'article R. 151-9 du même code : " Les expertises auxquelles sont soumis les militaires en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un médecin mandaté par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. Ce médecin, qualifié médecin expert, est choisi soit parmi les médecins militaires, soit parmi les médecins civils spécialement agréés à cet effet. L'agrément des médecins civils est délivré, pour une durée d'un an tacitement renouvelable, par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre. En cas d'urgence ou de circonstances spéciales, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre peut mandater, pour une affaire ou une séance déterminée, un médecin expert civil non agréé mais attaché à un service public. L'acte de nomination mentionne les motifs spéciaux de cette désignation. Le dossier peut être soumis à un expert spécialiste ou à une expertise complémentaire. " Selon l'article R. 151-10 de ce code : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert est mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un rapport qui est revêtu de sa signature. L'intéressé a la faculté de produire tout certificat médical ou document ayant trait à la pathologie à examiner, et dont il peut demander l'annexion au dossier. Il peut également, à chacune des expertises auxquelles il est procédé, se faire assister par un médecin à ses frais. Ce médecin présente, s'il le juge utile, des observations écrites, qui sont joints au rapport de l'expert. ". 6. Pour annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a retenu que M. A..., dont la demande présentée le 27 novembre 2019, n'avait pas donné lieu à une expertise médicale, avait été privé d'une garantie, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent. 7. Il résulte des articles R. 151-9 et R. 151-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre citées au point 5 que l'instruction médico-administrative d'une demande de pension militaire d'invalidité par l'administration doit nécessairement comporter une expertise médicale visant à vérifier les données produites à l'appui de la demande et à fixer le taux des infirmités concernées. 8. Le ministre des armées, qui ne peut utilement invoquer les dispositions de la circulaire du 12 février 2010 relative à la constitution, l'instruction et la liquidation des dossiers de pensions prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, laquelle est dépourvue de valeur règlementaire, fait valoir le caractère inutile d'une telle expertise, en l'espèce, dès lors que les examens médicaux joints à la demande, déposée par M. A..., reposaient sur des données audiométriques objectivement mesurées par un matériel spécialisé pouvant être converties en un taux d'invalidité. Toutefois, ces seuls examens audiométriques, qui ne mentionnent aucun taux mais seulement des niveaux de perte auditive supérieurs à ceux précédemment constatés, ne pouvaient permettre de statuer sur la demande de pension d'invalidité de M. A... et de fixer le taux d'invalidité prévu à l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ainsi, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que l'intimé n'aurait été privé d'aucune garantie de procédure. 9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire et a enjoint au ministre des armées le réexamen de la situation de M. A..., après expertise médicale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL22515 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de LYON, 3ème chambre, 08/01/2025, 23LY00505, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... C..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 novembre 2019, confirmée par une décision du 19 février 2020 prise sur recours gracieux, par laquelle le maire de la commune de Lyon a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Par un jugement n° 2102651 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, Mme C..., représentée par Me Bouillet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2022 ; 2°) d'annuler les décisions susvisées ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Lyon une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme C... soutient que l'aggravation de sa pathologie est en lien direct et certain avec les tâches qui lui étaient confiées. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, la commune de Lyon, représentée par Me Conti, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que le moyen soulevé n'est pas fondé. Une ordonnance du 15 mars 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 10 avril 2024. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, - les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique, - et les observations de Me Faivre, représentant Mme C... et de Me Conti, représentant la commune de Lyon. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe technique territoriale de la commune de Lyon exerçant les fonctions d'agent de service des écoles primaires (ASEP), a demandé que soit reconnue l'imputabilité au service de sa pathologie constatée pour la première fois le 10 juin 2015 par un certificat médical initial établi le 19 novembre 2018. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2019, confirmée par une décision du 19 février 2020 prise sur recours gracieux, par laquelle le maire de la commune de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, demeurée applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, soit le 12 avril 2019 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) ". Ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que la maladie a été constatée le 10 juin 2015 et déclarée par un certificat daté du 19 novembre 2018. 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des éléments médicaux produits, que Mme C... présente des brûlures avec brides et chéloïdes du pubis et des racines des cuisses qui sont la conséquence d'un accident domestique survenu à l'âge de cinq ou six ans, et que l'inflammation des cicatrices présentées par l'intéressée est favorisée par la position debout prolongée et les montées et descentes d'escaliers. Si Mme C... soutient que l'inflammation de ses cicatrices est due aux fonctions qu'elle exerce en qualité d'agent d'entretien dans les écoles de la commune, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle a été placée à compter de juin 2013 en congé de maladie ordinaire puis, à compter du 11 juin 2014, en disponibilité d'office pour raisons de santé, et qu'elle n'exerçait pas ses fonctions d'ASEP le 10 juin 2015, date à laquelle la maladie a été constatée. En outre, il ressort des certificats médicaux établis les 5 juin 2013 et 5 mars 2015 qu'" avec l'âge et la prise de poids [les cicatrices] ont tendance à s'agrandir et à devenir gênantes et douloureuses à la marche et au frottement ". Si Mme C... estime également que sa reprise d'activité le 11 juin 2018 a favorisé l'aggravation de son état de santé, il est constant qu'elle n'a repris ses fonctions dans une école du 4ème arrondissement de Lyon que pour une courte période avant d'être de nouveau arrêtée le 18 octobre 2018, et qu'en attendant de pouvoir aménager son temps de travail, la commune de Lyon l'avait placée à un poste de surveillance dans la cour à l'heure de la pause méridienne afin de limiter ses déplacements et de lui permettre de s'asseoir en cas de besoin. Il ne ressort pas davantage des conclusions de l'expertise médicale rendue le 11 septembre 2019 que cette aggravation serait en lien avec les fonctions exercées. L'expert a d'ailleurs relevé, comme précédemment, que l'âge implique que les cicatrices deviennent invalidantes du fait des frottements. En outre, à la date de cet examen, et alors qu'elle n'exerçait plus les fonctions d'ASEP depuis un an, Mme C... présentait encore des pansements et une irritation des parties internes des cuisses. Dans ces conditions, ni la constatation de sa maladie en 2015 ni l'aggravation des tensions cicatricielles et des irritations cutanées présentées par l'intéressée en 2018 ne présentent un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Lyon, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lyon, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme C... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A... et à la commune de Lyon. Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, Mme Sophie Corvellec, première conseillère, Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025. La rapporteure, Vanessa Rémy-NérisLa présidente, Emilie Felmy La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière 2 N° 23LY00505
Cours administrative d'appel
Lyon