Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 10/12/2024, 22TL21584, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision du 4 novembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité liée à une " disjonction acromio-claviculaire gauche (...) " et de réviser ses droits à pension au titre de cette infirmité en la fixant au taux d'invalidité aggravé de 25 % à compter du 18 septembre 2017, date d'enregistrement de sa demande de pension et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement n°2006025 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2022 et le 2 mai 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement rendu le 3 mai 2022 ; 2°) de maintenir la décision de la commission de recours de l'invalidité du 3 septembre 2020 ; 3°) de dire et juger que le taux d'invalidité de 15% de l'infirmité liée à la disjonction acromio-claviculaire gauche est maintenu. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - le tribunal administratif de Toulouse a statué dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir et a donc méconnu son office de juge de plein contentieux ; - c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le vice de procédure tiré d'une information insuffisante dans la mesure où le service instructeur disposait de l'entier dossier de l'intéressé ; - la demande de révision ne pouvait être accueillie dès lors que le rapport d'expertise ne mettait pas en évidence une aggravation fonctionnelle de l'infirmité touchant l'épaule gauche, étant précisé que le taux de 20% n'a jamais été retenu. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Pradal, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au ministre des armées de bien vouloir lui reconnaître un taux d'invalidité de 25% de lui accorder une pension militaire d'invalidité dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - l'administration n'établissant pas que les trois comptes rendus des expertises médicales, rendues le 24 février 2010, le 6 mars 2012 et le 14 novembre 2012, sur les demandes antérieures de révision déposées par M. A..., ont bien été examinés, le tribunal administratif a accueilli à bon droit le vice de procédure ; - contrairement à ce qui est allégué, la pathologie de son épaule s'est aggravée et nécessite la fixation d'un taux de pension de 25%. Par une ordonnance du 3 mai 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 30 mai 2024. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Got substituant Me Pradal, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé dans l'armée de terre, le 13 septembre 1965, y a exercé ses fonctions et a obtenu, en dernier lieu, le grade de commandant, avant d'être radié des contrôles, le 1er juin 1982. Par un arrêté ministériel du 22 février 1983, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée, à compter du 1er juin 1982, au titre de l'infirmité " Disjonction acromio-claviculaire gauche. (...) " pensionnée au taux d'invalidité de 15 %, qui a ainsi été reconnue imputable à un accident de service survenu le 11 mars 1968. Les quatre premières demandes de révision de sa pension formées par M. A..., entre 2002 et 2009, ont été rejetées. Par une nouvelle demande, déposée le 18 septembre 2017, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité à l'épaule gauche. Par une décision du 4 novembre 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande au motif qu'aucune aggravation n'avait été constatée. L'intéressé a alors formé le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 3 septembre 2020, rejeté pour le même motif. Par un jugement, rendu le 3 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité et a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 3 septembre 2020 de la commission de recours de l'invalidité. Par la voie de l'appel incident, M. A... sollicite l'attribution d'un taux d'invalidité de 25% pour l'infirmité relative à son épaule gauche et la liquidation de sa pension ainsi révisée. Sur la régularité du jugement : 2. D'une part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Toulouse aurait commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en retenant que le service instructeur n'avait pas pris connaissance des comptes rendus des expertises médicales portant sur ses trois demandes de révisions antérieures. 3. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 4. Contrairement à ce que soutient le ministre des armées, le tribunal administratif de Toulouse ne s'est pas borné à annuler la décision du 3 septembre 2020 rejetant la demande de révision de pension présentée par M. A... au motif qu'elle avait été prise au terme d'une procédure irrégulière, en raison de l'absence de transmission de certaines pièces médicales au service instructeur, mais a également relevé, au point 8, que si une telle annulation n'impliquait pas de faire droit à la révision de la pension sollicitée par l'intéressé, elle impliquait nécessairement que la ministre des armées réexaminât cette demande. Il a donc, en tout état de cause, statué sur le droit à révision pour l'écarter, le dispositif du jugement, après avoir annulé la décision en litige, faisant état d'un rejet du surplus de la demande. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu son office de juge de plein contentieux ne peut qu'être écarté. Sur l'appel principal : En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal : 5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé sa décision prise sur le recours, qui se substitue à la décision contestée. Cette notification est effectuée par tout moyen lui conférant date certaine de réception. L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission (...) ". 6. Il résulte de ces dispositions que les décisions prises par la commission de recours d'invalidité sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués à leur encontre des moyens tirés de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions initiales qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la régularité des décisions soumises au juge. 7. En deuxième lieu, l'examen d'une demande de révision pour aggravation d'une infirmité pensionnée présentée en application de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre nécessite que l'administration compare le taux d'invalidité de l'infirmité auquel la pension a été concédée au demandeur avec celui prévalant à la date de la demande de révision de cette pension. 8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 151-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent livre sont communiqués sur leur demande aux services administratifs chargés de l'instruction des demandes de pension, de la liquidation et de la concession des pensions, dans des conditions de confidentialité et de respect du secret médical définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Selon l'article R. 151-4 du même code : " Dès réception de la demande émanant de l'ancien militaire, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre réclame au corps ou service auquel a appartenu en dernier lieu le postulant, les états de ses services et tous les documents concernant les blessures, infirmités ou maladies qui motivent la demande de pension. / Ce service peut, en outre, correspondre avec les autorités civiles ou militaires en vue d'obtenir tous renseignements utiles à l'instruction de l'affaire. ". 10. M. A... invoquant l'irrégularité de procédure issue de ce que l'administration aurait omis de verser des pièces médicales à son dossier requises pour l'examen de sa demande de révision, et notamment les conclusions des expertises médicales rendues en 2010 et 2012 sur ses trois demandes antérieures de révision de pension, le tribunal administratif de Toulouse a adressé, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, au ministre des armées, une mesure d'instruction visant à obtenir l'inventaire des pièces figurant au dossier médical de M. A.... En réponse à cette mesure, l'administration n'a ni établi ni même allégué que ces conclusions des trois dernières expertises médicales y figuraient. Or, dans le cadre de la comparaison du taux d'invalidité de l'infirmité pensionnée avec le taux d'invalidité de cette infirmité constatée à la date de la demande de révision, rappelée au point 7, ces documents médicaux sont susceptibles d'éclairer le service instructeur sur l'évolution de l'infirmité en cause et donc nécessaires à l'examen de la demande de sorte que M. A... était fondé à soutenir qu'en l'absence de preuve de leur versement au dossier, il a été privé de la garantie d'un examen éclairé de sa situation médicale et de l'évolution de l'infirmité touchant son épaule gauche. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas davantage établi que la commission de recours de l'invalidité aurait statué en ayant eu connaissance de l'ensemble de ces documents médicaux, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a accueilli le vice de procédure ainsi soulevé. 11. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 3 septembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité. Sur l'appel incident : 12. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en vigueur à la date de la demande de l'intéressé : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points. 13. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise, réalisée, à la suite de la demande de révision déposée, le 18 septembre 2017, et remise, le 19 juillet 2019, comme de l'avis du médecin conseil de la sous-direction des pensions, qui a relevé une stabilité des impotences fonctionnelles de l'épaule gauche, que l'intéressé présente une abduction à 90% et une flexion à 80%, une légère raideur à la rotation latérale et à la flexion-extension justifiant un taux d'invalidité de 15%, l'examen comparatif de cette expertise et de celles réalisées le 29 mars 1975 et le 14 novembre 2012, laquelle retenait un taux d'invalidité relatif à cette infirmité de 20%, n'ayant révélé aucune aggravation fonctionnelle significative des séquelles liées à l'infirmité pensionnée. Dans ces conditions, et en l'absence d'une telle aggravation, les demandes de fixation d'un taux d'invalidité à 25% et de révision de pension ne sauraient être accueillies. 14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A..., par la voie de l'appel incident, doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pradal renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Pradal de la somme de 1 200 euros en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées et les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par M. A... sont rejetés. Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Pradal en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants, à M. B... A... et à Me Rudy Pradal. Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22TL21584 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 06/12/2024, 22MA02423, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service survenus le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et d'enjoindre à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de reconnaître l'imputabilité de cette rechute, de lui verser les salaires retenus, de lui rembourser les frais subis et de revoir le taux de son incapacité permanente partielle. Par un jugement n° 2101582 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et enjoint à cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2022 et le 17 avril 2023, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Kaczmarczyk, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 2101582 du 4 juillet 2022 ; 2°) d'ordonner à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé et spécialement à une pathologie affectant son genou, permettant d'éclairer la juridiction sur l'existence d'un état antérieur ; 3°) de rejeter la requête de M. C... ; 4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en tant qu'il n'est pas revêtu de la signature des magistrats qui l'ont rendu ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et en ne statuant pas sur la question d'une rechute d'un accident imputable au service mais sur celle d'une maladie professionnelle ; - les premiers juges ont retenu un moyen non soulevé par les parties, qui n'a pas été débattu, relatif à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie et non seulement d'une rechute ; - les premiers juges ne pouvaient estimer ne pas connaître la cause exclusive de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017 à savoir l'état intrinsèque à l'agent ; - les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dès lors qu'il n'appartenait qu'à M. C... de démontrer le lien entre son état antérieur et le service ; - il aurait été utile que M. C... produise les conclusions d'expertises du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 dans leur intégralité. Par des mémoires, enregistrés le 3 novembre 2022 et le 15 mars 2023, M. C..., représenté par la SELARL Lextone avocats, agissant par Me Bertelle, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la minute du jugement attaqué comporte bien les signatures des magistrats, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - les dispositions du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dont les premiers juges ont fait application sont celles applicables dans le présent litige ; - sa déclaration de rechute n'était pas tardive ; - le tribunal administratif n'a pas commis de dénaturation des pièces ni d'erreur d'appréciation ; - sa rechute est imputable au service. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bertelle, représentant M. C.... Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 22 novembre 2024. Considérant ce qui suit : 1. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur interjette appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 par laquelle le président de la collectivité a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service dont M. C... a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " 3. Il ressort du dossier de première instance communiqué à la cour par le greffe du tribunal administratif de Toulon que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté comme manquant en fait. 4. En jugeant que la pathologie du genou gauche de M. C..., qui a nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, était imputable aux accidents dont ce dernier a été victime, dont celui, reconnu imputable au service, du 12 avril 2013, le tribunal administratif, qui a répondu à l'argumentation qui lui était soumise par les parties, n'a pas relevé d'office un moyen et s'est borné à exercer son office. Sur la demande de la région PACA tendant à ce qu'il soit ordonné à M. C... de produire certaines pièces : 5. Il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à une personne privée de communiquer des documents médicaux dont elle n'a pas entendu se prévaloir à l'instance. Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à ce titre doivent dès lors être rejetées. Sur le bienfondé du jugement : 6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été victime le 12 avril 2013, alors qu'il était employé par la commune de Jouques, d'un accident au genou gauche dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du maire de cette commune du 23 novembre 2015, puis d'un nouvel accident au genou gauche, le 20 mai 2015, alors qu'il avait rejoint les effectifs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du président de cet établissement du 8 décembre 2017. Le 11 mai 2018, M. C... a transmis aux services de la région une demande de prise en charge d'une rechute de son état imputable au service à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 20 octobre 2017. Dans ces conditions, la situation de M. C... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non celles énoncées aux II et IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui ne sont pas applicables aux situations constituées avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale pris pour son application. 8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a subi une intervention chirurgicale le 20 octobre 2017, programmée au mois de septembre précédent, réalisée au sein de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et consistant en une ostéotomie tibiale gauche de valgisation. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette intervention chirurgicale et de ses suites, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu l'absence de lien direct et certain entre ces dernières et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 18 octobre 2018. Par cet avis, la commission de réforme a retenu que la rechute déclarée par M. C... était une aggravation " due uniquement à l'existence d'un état pathologique antérieur " en se fondant sur le rapport d'expertise établi par le Dr F..., médecin agréé, en date du 21 juin 2018 qui conclut à l'absence de justification d'une imputabilité au service de la rechute déclarée par M. C... en estimant que les critères n'en sont pas réunis et qu'il existe un état antérieur. Les certificats médicaux et comptes-rendus d'examens médicaux produits par M. C... et réalisés après l'accident de service du 20 mai 2015, et notamment le certificat établi par le Dr E..., médecin rhumatologue, le 16 juin 2015, et celui établi par le Dr B... le 18 janvier 2017, le compte-rendu d'hospitalisation de M. C... du 20 décembre 2017, le certificat établi le 27 juin 2018 par le Dr D..., chirurgien orthopédiste de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et le certificat établi par le Dr E... le 23 novembre 2018, montrent que M. C... était atteint d'un genu varum aux deux membres inférieurs, de 6e au membre gauche, favorisant l'usure de ses articulations des genoux et qu'il présentait une gonarthrose interne du genou gauche et des douleurs associées qui se sont aggravées en raison des deux accidents reconnus imputables au service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. 10. Dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer si l'état de santé de M. C... qui a justifié l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les deux accidents de services dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur d'ordonner une expertise sur ce point dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions de requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur tendant à ce que la cour ordonne à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé sont rejetées. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, procédé par un expert, désigné par le président de la cour, à une expertise au contradictoire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de M. C..., avec mission de : 1°) de prendre connaissance des pièces du dossier médical de M. C..., des pièces qui ont été soumises à la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var ainsi que des différentes expertises déjà réalisées ; 2°) d'examiner l'intéressé ; 3°) de décrire son état ; 4°) de fournir à la cour tous éléments permettant de déterminer si l'intervention chirurgicale dont M. C... a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les accidents de service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant. Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. A... C.... Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme C. Fedi, présidente de chambre, - Mme L. Rigaud, présidente assesseure, - M. N. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024. 2 N° 22MA02423
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 23NT03190, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et a refusé de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juillet 2019, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n°2005206 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2023 et le 7 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Deniau, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et a refusé de prendre en charge à ce titre les arrêts de travail prescrits à compter du 5 juillet 2019, ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de prendre une nouvelle décision tendant à voir reconnaître comme imputable au service sa maladie et ses arrêts de travail, à titre principal, à compter du 15 mars 2019 ou, à titre subsidiaire, à compter du 5 juillet 2019, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée n'est pas motivée en droit et en fait ; - c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle : * il démontre l'existence de circonstances particulières, dans l'exercice de ses fonctions de directeur d'école, ayant conduit à sa pathologie ; * ses fonctions induisent par elles-mêmes des risques psychosociaux, pouvant aboutir au déclenchement d'une maladie professionnelle ; * l'intégration de la commune de ... au sein de la commune nouvelle de ... a engendré des conséquences sur l'organisation des liaisons entre l'école et la collectivité : une complexification des procédures, un éloignement des prises de décision, ainsi qu'une perte de sens ; * ce contexte professionnel compliqué a été aggravé par l'annonce faite de l'accueil d'un élève au comportement difficile ; * l'ensemble des éléments médicaux produits écartent l'existence d'antécédents médicaux et reconnaissent le lien direct et certain de sa pathologie avec l'exercice de ses fonctions ; * le seul courrier du 11 septembre 2019 de l'inspectrice de l'éducation nationale ne saurait, à lui seul, démontrer l'absence de circonstances particulières ayant conduit à sa maladie. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le recteur de l'académie de Nantes conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique, - et les observations de Me Deniau pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., professeur des écoles à l'école primaire de ..., exerçant également les fonctions de directeur de cette école, a été placé, à compter du 15 mars 2019 en congé de maladie sur la base d'un certificat d'arrêt de travail mentionnant une cervicalgie et un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Les arrêts de travail ayant été prolongés, M. A... a demandé la reconnaissance de ces arrêts au titre de la maladie professionnelle en adressant à son administration un certificat médical en date du 5 juillet 2019. Après consultation de la commission de réforme, réunie le 10 décembre 2019, le recteur de l'académie de Nantes a rejeté sa demande par une décision du 16 décembre 2019. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 26 octobre 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il convient de rejeter par adoption des motifs relevés à bon droit par le tribunal le moyen selon lequel la décision du 16 décembre 2019 serait insuffisamment motivée en droit et en fait. 3. En second lieu et d'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...). Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article 47-8 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale : " Le taux d'incapacité mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 5. En l'espèce, le syndrome anxio-dépressif réactionnel à l'origine des arrêts de travail prescrits à M. A... n'est pas mentionné par les tableaux de maladies professionnelles mentionnées aux articles L.461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par suite, pour être reconnu imputable au service, il doit être susceptible d'entraîner un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 25% et présenter un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier que le psychiatre agréé ayant examiné M. A... pour éclairer la commission de réforme a, après avoir relevé que le requérant ne présentait pas de pathologie antérieure, émis un avis favorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle, en qualifiant sa maladie de dépression d'une intensité moyenne à sévère, susceptible d'entraîner un taux d'IPP de 25%. Il a également estimé que le lien entre cette pathologie et la souffrance ressentie au travail était clair, direct et explicite, la symptomatologie s'étant installée dans les suites d'une modification des conditions de travail vécue difficilement par le requérant. La commission de réforme, consultée le 10 décembre 2019, a émis à son tour un avis favorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle de l'intéressé. Le rapport écrit du médecin de prévention évoque quant à lui " un syndrome dépressif avec découragement, lassitude, et souffrance ". 7. Toutefois, les éléments évoqués par M. A... concernant la dégradation progressive des conditions dans lesquelles il a dû exercer ses fonctions de directeur d'école ne sont pas suffisamment caractérisés pour établir un lien direct et certain entre sa pathologie et l'exercice de ses fonctions. Ainsi, le requérant, qui évoque l'accroissement du temps consacré aux tâches administratives, la modification des procédures ayant résulté de la création de la commune nouvelle de ..., et l'inquiétude particulière qu'il a ressentie à la perspective de devoir accueillir un élève perturbateur, ne sauraient caractériser une surcharge effective de travail pouvant induire un syndrome anxio-dépressif réactionnel, bien que le requérant ne bénéficie d'aucune décharge de service liée à la taille de l'école, composée de trois classes. Le rapport du 11 septembre 2019 de l'inspectrice de l'éducation nationale chargée de la circonscription de ... mentionne notamment que le contexte d'exercice de l'année scolaire 2018-2019 ne présentait pas de difficulté particulière, et que, si l'intégration de la commune de ... dans la commune nouvelle de ... a entrainé des modifications dans l'organisation des liaisons entre école et collectivité territoriale, la charge administrative incombant à M. A... est celle de tout directeur d'école. Si M. A... produit des témoignages de collègues évoquant les difficultés des fonctions de direction et la complexité supplémentaire induite par la création de la commune nouvelle, ils ne sauraient, par eux-mêmes, mettre en évidence des conditions de travail susceptibles d'induire un lien direct entre la pathologie de M. A... et ses conditions de travail. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête n'impliquant aucune mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A.... Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant sur le fondement de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Nantes. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière I. PETTON La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT03190
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 24NT00173, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 novembre 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif formé contre la décision du ministre des armées en tant que cette décision refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une hypoacousie bilatérale et d'acouphènes bilatéraux permanents et, subsidiairement, de prescrire une expertise médicale. Par un jugement n° 2200167 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Letertre, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 décembre 2023 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 novembre 2021 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les taux d'infirmité retenus au titre de l'hypoacousie bilatérale, d'une part et des acouphènes bilatéraux permanents, d'autre part, sont sous sous-évalués ; - les troubles auditifs dont il souffre résultent de l'accident de plongée qu'il a subi le 24 novembre 2014 ; - ces troubles sont évolutifs de sorte qu'il convient de procéder à une nouvelle évaluation de sa perte auditive. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bougrine, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., officier-marinier rayé des contrôles le 1er août 2016, a sollicité le 24 mai 2019 une pension militaire d'invalidité en se prévalant de " lésions lombaires et ORL " dont il attribue l'origine à des blessures reçues à l'occasion du service. Par un arrêté du 19 avril 2021, M. A... s'est vu reconnaître un droit à pension au titre de l'infirmité résultant de séquelles de hernie discale imputables à un accident de service survenu le 30 janvier 2012. Par une décision du 27 avril 2021, le ministre des armées a, en revanche, rejeté sa demande de pension au titre des infirmités résultant, d'une part, d'hypoacousie bilatérale et, d'autre part, d'acouphènes bilatéraux permanents. M. A... a saisi la commission de recours de l'invalidité d'un recours administratif dirigé contre cette décision ministérielle en tant qu'elle refuse l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de ces deux infirmités. Par une décision du 24 novembre 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...) ". 3. D'autre part, le second alinéa de l'article L. 121-4 du même code dispose : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". 4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 5. Enfin, en vertu de l'article L. 125-1 du même code, le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. Par ailleurs, il convient d'apprécier le degré d'invalidité à la date de la demande de pension sans tenir compte d'une éventuelle aggravation survenue après cette date. En ce qui concerne les droits à pension au titre de l'hypoacousie bilatérale : 6. Il résulte de l'expertise médicale menée le 25 janvier 2021 dans le cadre de l'instruction de la demande de pension de M. A..., à l'occasion de laquelle un bilan audiométrique a été réalisé, que la perte d'acuité auditive observée chez l'intéressé s'élève à 36,25 décibels à droite et à 31,25 décibels à gauche. Selon le tableau à double entrée figurant dans le guide barème des invalidités, ces diminutions d'acuité auditive correspondent à un taux d'invalidité de 5 %. Tant le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 que la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021, ont estimé que la gêne fonctionnelle subie par M. A... en raison de son hypoacousie bilatérale devait être évaluée à 5 %. Si le requérant fait valoir qu'il a dû s'équiper d'un appareillage et qu'un oto-rhino-laryngologue a certifié, à l'issue d'une consultation réalisée le 11 mai 2018, que l'audiogramme alors mené mettait en évidence une " surdité moyenne de perception bilatérale sur les fréquences aigües ", ces considérations ne suffisent pas à démontrer que les troubles fonctionnels générés par l'infirmité considérée traduisaient, à la date de la demande de pension, une invalidité supérieure au taux préconisé par le guide-barème. Dans ces conditions, le taux d'invalidité concernant l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. A... doit être fixée à 5 %. Ce taux étant inférieur au seuil minimal requis par les dispositions, citées au point 3, de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. A... n'a pas droit à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité à raison de l'hypoacousie bilatérale. En ce qui concerne les droits à pension au titre des acouphènes bilatéraux permanents : 7. En premier lieu, selon les indications du guide-barème, " les traumatismes de l'oreille moyenne, les acouphènes ne sont jamais durables ; leur intensité est modérée. La guérison rapide est la règle. / Au contraire, dans l'otite chronique moyenne sèche, dans l'otospongiose et, surtout dans les labyrinthites ou neurolabyrinthites, les bourdonnements peuvent durer plusieurs années avec une intensité plus ou moins constante. / Ceux-là seuls méritent d'être l'objet d'une indemnisation qui, suivant leur gravité (durée, intensité, retentissement sur l'état général, moral et psychique), variera de [entre] 10 à 30 ". Le médecin-expert a relevé, à l'issue de l'examen du 25 janvier 2021, que l'intéressé décrivait des " acouphènes bilatéraux permanents à type de sifflement très bien tolérés, sans répercussion sur le sommeil ". Il a estimé que l'invalidité en résultant devait être évaluée à 10 %. Ce même taux a été retenu par le médecin conseil expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 16 février 2021 et par la commission consultative médicale, dans son avis du 26 mars 2021. Aucun élément versé à l'instruction ne vient étayer les allégations de M. A... selon lesquelles il ne correspondrait pas à son degré d'invalidité. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le taux d'invalidité concernant les acouphènes à 10 %. 8. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... appartenait au corps des officiers mariniers de maintenance et exerçait les fonctions de plongeur-démineur. Le 24 novembre 2014, lors d'une plongée effectuée à l'occasion du service, il a subi un barotraumatisme de l'oreille moyenne gauche dont a résulté une otite. Il résulte tant de l'expertise médicale du 25 janvier 2021 que du certificat du médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie de l'hôpital d'instruction des armées de Toulon du 21 avril 2016 que ce barotraumatisme " aurait bien récupéré sous traitement ". M. A... s'est plaint d'acouphènes bilatéraux, pour la première fois, au printemps 2016. Aucun élément de l'instruction ne permet de rattacher l'apparition de ces acouphènes au barotraumatisme survenu le 24 novembre 2014. A l'inverse, le médecin-conseil et la commission consultative médicale relient cette infirmité aux activités régulières de plongées et aux travaux confiés à M. A..., du fait de sa spécialité, dans des milieux où la pression est supérieure à la pression atmosphérique. Dans les circonstances de l'espèce, l'infirmité de M. A... doit ainsi être regardée comme résultant d'une maladie et non d'une blessure au sens des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Conformément à ces mêmes dispositions, cette infirmité n'ouvre pas, faute d'atteindre le taux d'invalidité de 30 %, droit à pension. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, eu égard aux motifs énoncés aux points 6 et 8, d'ordonner une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. La rapporteure, K. BOUGRINELe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 24NT00173
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 23NT02610, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 10 février 2021 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 29 mai 2012. Par un jugement n°2102392 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 août 2023 et le 9 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Balzac, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 10 février 2021 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 29 mai 2012 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige ; - la décision est entachée d'un défaut de motivation, en raison d'une erreur matérielle, il est impossible de comprendre, à la seule lecture de la décision litigieuse, en vertu de quel texte la préfète a pu lui refuser le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; - la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts, il apporte la preuve de ce que son accident est survenu à l'occasion d'une séance de sport programmée par le service et pendant le temps de service ; - faute d'existence d'un calendrier trimestriel prévisionnel établi par son chef de service à l'époque des faits, c'est avec l'accord de son chef de service qu'il s'est entraîné le 29 mai 2012 avec ses collègues. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la cour administrative d'appel de Nantes est incompétente pour statuer sur l'appel de M. A... et que les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., brigadier de la police nationale, a été victime, le 29 mai 2012, d'un accident qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du 17 octobre 2012. Le médecin traitant de l'intéressé a conclu que son état de santé était consolidé avec séquelles au 25 janvier 2019. Le 5 février 2019, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. La commission de réforme de la région interdépartementale Normandie, lors de sa séance du 3 mars 2020, a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % et a fixé la consolidation de son état de santé au 19 avril 2016. Par une décision du 10 février 2021, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de faire droit à la demande de l'intéressé tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 29 juin 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. 2. D'une part, aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; (...) ". Selon les termes de l'article 4 du même décret : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. / Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions. Sous réserve des modalités de révision prévues ci-après, les dispositions de l'article L. 55 dudit code lui sont applicables ". 3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans leur rédaction applicable à la présente instance : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ". 4. Il résulte de ces dispositions que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la concession ainsi qu'à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, l'action de M. A..., qui a pour objet la contestation du refus de lui concéder l'allocation temporaire d'invalidité sollicitée au motif que l'accident dont il a été victime le 29 mai 2012 ne peut être qualifié d'accident de service, doit être regardée comme un litige en matière de pensions qui peut seulement faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. En application de l'article R. 351-2 du même code et en l'absence d'irrecevabilité manifeste entachant la demande de première instance et les conclusions devant la Cour, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat le dossier de la requête de M. A.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet de la région Bretagne, délégué de la zone de défense et de sécurité Ouest. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02610
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01993, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 2000248 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01993, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 19 décembre 1973 au 10 août 2004. Par une réclamation préalable du 16 juillet 2018 reçue le 18 juillet 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 13 mai 2013 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 19 décembre 1973 au 25 août 1974, du 17 mars 1975 au 30 août 1977, du 23 novembre 1977 au 19 octobre 1981, du 18 juin 1984 au 2 décembre 1984, du 9 juin 1987 au 3 août 1989, du 19 octobre 1989 au 9 septembre 1990, du 27 juillet 2002 au 1er août 2003, du 20 septembre 2003 au 10 août 2004 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 13 mai 2013, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2013. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2014, cette créance était prescrite à la date du 18 juillet 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01993 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01995, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903764 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01995, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ; - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale et sur la base aéronautique navale de Nîmes Garons du 28 mars 1983 au 1er octobre 1998. Par une réclamation préalable du 9 novembre 2016 reçue le 14 novembre 2016, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 4 février 2008 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés et base aéronautique navale de Nîmes Garons] du 28 mars 1983 au 3 août 1983, du 2 mai 1984 au 29 avril 1989, du 17 août 1989 au 31 décembre 1989, du 25 mai 1990 au 28 mai 1991, du 8 juillet 1991 au 1er octobre 1998 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 4 février 2008, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2008. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2009, cette créance était prescrite à la date du 14 novembre 2016, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01995 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA02011, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903345 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, sous le n° 24MA02011, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 7 février 1972 au 1er février 1987. Par une réclamation préalable du 17 avril 2018 reçue le 19 avril 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 3 février 2009 établie par la direction du personnel militaire de la marine à la demande de M. A... du 7 janvier 2009 comme le précise le courrier d'accompagnement transmettant cette attestation que " M. A..., maître principal honoraire, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 7 février 1972 au 3 avril 1978, du 20 octobre 1978 au 1er juillet 1981 et du 18 novembre 1986 au 1er février 1987 ". Dès lors et eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait parvenu pas dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 3 février 2009, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2009. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2010, cette créance était prescrite à la date du 19 avril 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA02011 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01994, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903335 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01994, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 27 juillet 1975 au 4 octobre 1995. Par une réclamation préalable du 26 juin 2017 reçue le 29 juin 2017, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 20 avril 2007 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 27 juillet 1975 au 12 juillet 1976, du 6 août 1979 au 18 novembre 1983, du 27 février 1984 au 20 février 1989, du 12 février 1990 au 4 octobre 1995 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 20 avril 2007, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2007. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2008, cette créance était prescrite à la date du 29 juin 2017, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01994 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA02012, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903311 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, sous le n° 24MA02012, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 4 février 1985 au 19 octobre 1997. Par une réclamation préalable du 12 décembre 2017 reçue le 15 décembre 2017, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 13 février 2007 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., premier maître, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 4 février 1985 au 3 mars 1985, du 19 août 1985 au 18 août 1986, du 4 octobre 1986 au 19 juin 1989, du 19 février 1990 au 21 octobre 1991, du 8 février 1993 au 19 octobre 1997 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 13 février 2007, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2007. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2008, cette créance était prescrite à la date du 15 décembre 2017, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA02012 fa
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Marseille