Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives, pendant une certaine période dans une matière, dans une branche ou dans l'ensemble du droit.
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CAA de LYON, 7ème chambre, 03/04/2025, 22LY03443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime. Par un jugement n° 2000526, 2100376 du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Procédure devant la cour I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 novembre 2022 et le 6 juin 2023 sous le n° 22LY03443, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un mémoire enregistré le 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les éléments du dossier démontrent suffisamment la matérialité des faits et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. Par une ordonnance du 19 février 2025, l'instruction a été close au 6 mars 2025. La MGEN Côte-d'Or a présenté un mémoire, enregistré le 18 mars 2025, qui n'a pas été communiqué. II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 novembre 2022 et le 27 juin 2023, sous le n° 22LY03461, Mme A..., représentée par la SCP Clemang, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros ; 2°) de condamner solidairement l'Etat et le SIVOS à lui verser 20 500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 150 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, avec les intérêts capitalisés à compter du mois de septembre 2022 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et du SIVOS la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la matérialité des faits est suffisamment établie par les pièces du dossier ; - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi ; - l'accident du 17 septembre 2015 a été à l'origine d'un traumatisme crânien, puis d'un décollement postérieur du vitré de l'œil droit, à l'origine d'une baisse de l'acuité visuelle ainsi que de séquelles neurocognitives et psychiatriques et d'un déficit de l'épaule gauche chez une gauchère ; elle ne présentait aucun état préalable ; - son préjudice d'agrément est constitué, dès lors que, grande lectrice auparavant, elle ne peut plus lire que dix minutes d'affilée, qu'elle ne peut plus s'adonner à ses activités de jardinage sans l'aide de ses proches, qu'elle ne peut plus pratiquer le piano à défaut de pouvoir lire les partitions, qu'elle ne peut plus pratiquer le vélo, ni le ski, ni la randonnée, ni le canoë kayak ; ce préjudice sera justement réparé par un montant de 80 000 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 60 % ; il devait lui être accordé un montant fixé à au moins 500 euros par mois en moyenne basse, au regard du barème des cours d'appel et de la jurisprudence de la juridiction administrative ; le montant alloué doit être réévalué à la somme de 20 500 euros ; - le déficit fonctionnel permanent, évalué à 59,5 %, doit être réévalué à 150 000 euros, en fixant un point d'indice à 2 920 euros au regard du barème des cours d'appel pour une femme de cet âge ; - les souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, seront justement réévaluées à 15 000 euros ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, est constitué par le handicap qu'elle présente et par une importante prise de poids en lien avec les traitements ; il sera justement réévalué à la somme de 5 000 euros. Par des mémoires enregistrés les 11 mai et 19 juin 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi, ce dont atteste le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme A... le 18 septembre 2015 ; - Mme A... ne justifie pas du préjudice d'agrément dont elle se prévaut, faute de démontrer l'effectivité de la pratique régulière d'une activité qui serait désormais entravée ou empêchée par les photographies et attestations produites ; la pratique occasionnelle d'activités est déjà indemnisée par le déficit fonctionnel permanent ; à considérer ce préjudice comme constitué, il ne pourrait donner lieu qu'à une fraction, évaluée entre 5 et 10 %, du déficit fonctionnel permanent, soit un montant entre 5 750 et 23 000 euros, également limitée à une fourchette entre 7 500 et 30 000 euros en tenant compte du montant, surévalué, demandé par la requérante au titre de son déficit fonctionnel permanent ; - le déficit fonctionnel temporaire a été justement évalué, au regard du barème de l'ONIAM et du taux retenu par les experts, pour une durée de 41 mois ; - le déficit fonctionnel permanent a été justement apprécié par les premiers juges au regard du barème de l'ONIAM ; - les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par les experts, sont justement indemnisées par le montant fixé à 8 000 euros par les premiers juges, qui ont retenu la fourchette haute du barème de l'ONIAM ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 7, a également été justement réparé par les premiers juges, qui là encore ont appliqué la fourchette haute du barème ONIAM. Par un mémoire enregistré le 6 juin 2023, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. La requête a été communiquée à la MGEN section de la Côte-d'Or, caisse de sécurité sociale de Mme A..., qui n'a pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 13 février 2025, l'instruction a été close au 27 février 2025. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de l'Etat ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère, - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public, - et les observations de Me Buvat, représentant le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure des écoles, a été victime le 17 septembre 2015 d'un accident alors qu'elle était en salle de classe à l'école élémentaire de Noiron-sous-Gevrey, un tableau s'étant détaché du mur et lui ayant occasionné un grave traumatisme au crâne ainsi qu'à l'épaule gauche. Par arrêté de la rectrice de l'académie de Dijon du 19 octobre 2015 cet accident a été reconnu imputable au service. A la demande de Mme A..., une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, dont le rapport a été déposé le 1er août 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident. Par un jugement du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Sous la requête n° 22LY03443, le SIVOS doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir intégralement l'Etat. Sous la requête n° 22LY03461, Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; 3. Faute d'avoir d'office mis en cause la MGEN, section de la Côte-d'Or, à laquelle est affiliée Mme A..., pour qu'elle exerce l'action mentionnée ci-dessus, le tribunal, qui a méconnu la portée des dispositions précitées, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Il y a donc lieu, dans la limite des conclusions dont la cour est saisie en appel, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens de première instance et d'appel présentés par le SIVOS et par Mme A.... Sur la responsabilité de l'Etat : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 6. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point précédent doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. 7. En l'espèce, la responsabilité du rectorat de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, qui n'a pas présenté de conclusions d'appel ni contesté en première instance que Mme A... avait été victime d'un accident de service le 17 septembre 2015, est engagée pour risque. Sur les préjudices de Mme A... : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 8. Mme A... a été placée en congé de maladie à plein traitement depuis son accident, ce temps de congé étant pris en compte au titre de ses droits à pension et de son avancement. Elle n'a donc subi aucune perte de rémunération liée à son emploi de professeure des écoles. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait été privée de possibilités de promotion du fait de son accident. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice professionnel doivent être rejetées. En ce qui concerne les préjudices temporaires : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire dont a été atteinte Mme A... durant la période allant du jour de l'accident à sa date de consolidation, soit du 17 septembre 2015 au 20 février 2019, peut être évalué à 60 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 9 000 euros. 10. En second lieu, Mme A... a enduré des souffrances, fixées par les experts à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 8 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... subit un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de 59,5 %. Il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, d'indemniser ce préjudice à hauteur de 140 000 euros. 12. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de la requérante, évalué par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 2 000 euros. 13. En dernier lieu, Mme A... demande une somme de 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, dont l'expertise reconnaît l'existence, mais sans autre précision. Elle se prévaut d'activités antérieures de cyclisme, randonnée et ski, sans en justifier suffisamment. En revanche, et comme elle le démontre, l'état de son épaule et ses difficultés visuelles l'empêchent de s'adonner normalement à ses activités de jardinage, de couture et de lecture, avec une importante propension à la fatigue. Il sera fait une juste réparation de son préjudice d'agrément en lui accordant à ce titre une somme de 7 000 euros. 14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 166 000 euros en réparation des préjudices de Mme A..., dont doit être déduite la provision de 80 000 euros qui lui a déjà été versée. Sur l'appel en garantie du SIVOS : En ce qui concerne l'exception de prescription : 15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Et aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 16. Il résulte de l'instruction que l'accident dont Mme A... a été victime a eu lieu le 17 septembre 2015. Le délai de prescription contre cet accident, qui a commencé à courir le 1er janvier 2016, a été interrompu par la requête en référé expertise présentée par Mme A... le 7 juin 2018, et n'a recommencé à courir que le 1er janvier 2020, avant d'être à nouveau interrompu. Ainsi, quand bien même le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Briondon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges n'était pas partie à l'instance de référé-expertise, l'exception tirée de la prescription de la créance de Mme A... ne peut qu'être écartée. En ce qui concerne le défaut d'entretien normal de l'ouvrage : 17. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'œuvres protégées. ". 18. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 19. Le SIVOS, auquel la commune de Noiron-sur-Gevrey a transféré sa compétence en matière d'équipement et de fonctionnement des écoles publiques, conteste la matérialité des faits survenus le 17 septembre 2015 à l'origine des préjudices dont Mme A... s'est prévalue devant le tribunal. Le SIVOS oppose que l'accident n'a été constaté par aucun témoin direct, et que les témoignages de personnels en poste à l'école ne font état ni de la présence de Mme A... ni de la moindre anomalie le jour de l'accident. Il résulte cependant de l'instruction que Mme A..., enseignante au sein du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), avait un emploi du temps variable, distinct de celui s'appliquant habituellement aux autres enseignants, et qu'elle n'était pas nécessairement connue de tous les agents de l'école. Par ailleurs, à l'exception d'une erreur de date dans un échange par mail, qui indique le 18 septembre au lieu du 17 septembre 2015, son récit, cohérent, n'a pas varié, comme le montrent notamment le témoignage de sa sœur, l'attestation de la directrice de l'école à laquelle elle a rapporté l'accident dès le lendemain matin ainsi que les différents mails et la déclaration d'accident de service renseignée le 29 septembre 2015. Il en ressort que Mme A... a déclaré qu'elle était seule le 17 septembre 2015 à 11 heures 15 dans la salle où a eu lieu l'accident et qu'elle était en train de procéder à un affichage quand le volet gauche du tableau a basculé, la blessant à la tête et à l'épaule. Elle indique avoir brièvement perdu connaissance puis, à son réveil, s'être rendue chez sa sœur, qui habite à proximité, et le lendemain chez son médecin traitant qui l'a placée en arrêt de travail. Le certificat médical établi par ce dernier le 18 septembre 2015 fait état d'un " traumatisme (écrasée par un tableau) " et d'une " entorse cervicale, + traumatisme crânien + traumatisme épaule G + omoplate G. ". Par ailleurs, l'agent d'entretien atteste avoir retrouvé ce volet au sol le 17 septembre au soir, descellé de son support, alors que le lendemain matin la directrice a constaté que l'intéressée portait une minerve. Rien dans les productions du SIVOS ne permet d'établir que la description, précise et crédible, que l'intéressée a faite de l'accident serait mensongère, ni que l'intéressée aurait une part de responsabilité dans la survenue de cet accident. Ainsi, le SIVOS n'est pas fondé à soutenir que l'existence d'un lien de causalité entre le dommage subi par Mme A... et l'ouvrage public dont elle était usagère ne serait pas avéré. 20. Par ailleurs, pour justifier du bon entretien de l'ouvrage, le SIVOS produit des attestations de son président et d'un de ses agents techniques qui affirment que le tableau était parfaitement fixé. Elles ne permettent toutefois pas de connaître la date à laquelle ce constat a été réalisé. Si le SIVOS indique que tous les tableaux de l'école ont été vérifiés, mais après l'accident, et que l'assistant de prévention des circonscriptions du Grand Dijon, lors de sa visite de l'établissement le 14 mars 2014, n'a relevé aucune défaillance particulière de ce matériel, la fiche établie par la suite relève certaines vétustés au sein de l'école, dont une moquette murale qui se décolle, sans que soit spécialement remis en cause le fait que le tableau était ancré sur un mur revêtu d'une moquette murale, qui plus est vieillissante, par seulement quatre vis alors que son dispositif de fixation en prévoit huit, et que les simples chevilles cylindriques entourant les vis étaient dépourvues de tout système anti arrachement. Les photographies produites montrent un orifice au mur, qui présente des éléments de dégradation. Si aucun débris de plâtre ou élément de fixation, au demeurant pour partie encore fichés dans le volet, n'ont été retrouvés au sol, et si le bureau, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait été sur la trajectoire de chute, n'a pas été dégradé, de telles circonstances ne sauraient suffire pour conclure à l'absence de chute de cet élément. Faute d'autres explications à la chute du tableau qu'une installation et une maintenance non conformes aux règles de l'art, le SIVOS, auquel il appartenait de prévenir le danger en prenant toutes les précautions nécessaires, notamment en s'assurant qu'il était correctement fixé, de surcroît dans un lieu fréquenté quotidiennement par de jeunes enfants et leurs enseignants, ne peut dès lors être regardé comme justifiant d'un entretien normal de l'ouvrage. 21. Il résulte de ce qui précède que le SIVOS a manqué à son obligation d'entretien normal des installations dont il est maître d'ouvrage. Eu égard au caractère exclusif de ce manquement dans la survenue de l'accident dont a été victime Mme A..., il y a lieu de condamner le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros mise à sa charge par le présent arrêt. Sur les intérêts et leur capitalisation : 22. Les intérêts et leur capitalisation ont été demandés pour la première fois en appel le 28 novembre 2022. Mme A... ayant présenté une demande indemnitaire préalable reçue par le ministre de l'éducation nationale le 30 août 2019, la somme ci-dessus portera intérêts à compter de cette dernière date. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022, dès lors qu'à cette date ils étaient dus au moins pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat les sommes au titre des frais exposés par Mme A... d'une part et le SIVOS d'autre part et non compris dans les dépens. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au SIVOS la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 25. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du SIVOS la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 septembre 2022, en tant qu'il a condamné le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à garantir intégralement l'Etat et fixé le montant de la réparation due à Mme A... à 134 000 euros, est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 166 000 euros en réparation de ses préjudices, dont doit être déduite la provision de 80 000 euros déjà accordée. Cette somme portera intérêts à compter du 30 août 2019. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 3 : L'Etat sera garanti par le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros, y compris les intérêts et leur capitalisation. Article 4: Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Les conclusions du SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges et le surplus de celles présentées par Mme A... sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, au syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, à la MGEN, section de la Côte d'Or, et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre, Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025. La rapporteure, I. BoffyLe président, V.-M. Picard La greffière, M. C... La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22LY03443, 22LY03461 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 03/04/2025, 23BX01964, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 7 février 2021 par laquelle l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) lui a d'abord refusé l'octroi du bénéfice de l'aide aux enfants d'anciens harkis, ainsi que la décision du 17 mai 2021 en tant que l'Office a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de cette aide. Par un jugement n° 2103902, 2206635 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 juillet 2023, 25 octobre et 22 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Rouget, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance enregistrée sous le n° 2206635 ; 2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mai 2023 ; 3°) d'annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle l'ONACVG a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de l'aide aux enfants d'anciens harkis ; 4°) d'enjoindre à l'ONACVG de prendre une nouvelle décision à son bénéfice lui accordant une aide ne pouvant être inférieure à la somme de 1 000 000 d'euros au regard de la spécificité de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui fournir un certificat de résidence correspondant à sa durée réelle de résidence au camp de Bias ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a refusé de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour l'instance n°2206635 ; - il remplit les conditions édictées par le décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, et il a également été recruté par la 3ème compagnie et a servi au sein de cette unité ; il a été présent dans les camps plus de 90 jours, puisque l'administration admet qu'il y est resté 5 296 jours ; en réalité, si le camp a fermé officiellement le 31 décembre 1976, il y demeure toujours ; - le décret ne prévoyant pas de plafond au montant de l'aide, ce montant de l'aide a été fixé sans base légale ; - il soulève, par voie d'exception l'illégalité de l'instruction n°2020-01/ARM/ONACGV, qui fixe notamment un plafond de 10 000 euros par personne ; le décret de 2018 n'autorise pas l'ONACVG à fixer un plafond de l'aide, mais se borne à lui indiquer qu'il convient d'utiliser le budget alloué ; l'imprécision de l'instruction conduit à une rupture du principe d'égalité qui doit être appliqué aux bénéficiaires, en ce que leur situation fondamentalement différente, se traduit par une indemnisation quasiment identique ; cette instruction conduit à allouer l'aide à des personnes qui n'entrent pas dans le champ ou à allouer des sommes plus importantes que celle qui lui a été attribuée ; - le montant de l'aide octroyée est manifestement insuffisant ; dans la mesure où l'ONACVG ne justifie pas de l'épuisement de ses crédits, rien ne justifie que sa situation ait fait l'objet d'un traitement dans la limite de ce barème, alors qu'il justifie d'une situation particulière dont la réalité n'a pas été examinée ; quand bien même l'Office n'aurait pas une obligation de consommer l'entièreté des crédits qui lui sont alloués, la sous-consommation des crédits prive ceux qui en ont le plus besoin du bénéfice d'une aide ; - il a subi des conditions de vie indigne dans le camp, victime de racisme post-colonialisme et de pratiques discriminatoires ; il a été victime d'un traitement injustifié dans l'application des lois et mesures sociales destinées aux anciens harkis et rapatriés ; l'ONACVG doit prendre en compte les souffrances subies. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, l'ONACVG conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une décision n° 2023/008357 du 14 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par un courrier du 6 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'admission provisoire de M. A... à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée en première instance sous le n° 2206635, dès lors que la décision par laquelle le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur cette demande n'est pas susceptible de recours. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 ; - le décret n°2018-1320 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, - les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public, - et les observations de Me Rouget, représentant M. B... A.... Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 14 mars 2025. Considérant ce qui suit : 1. Le 6 octobre 2020, M. B... A..., né le 19 avril 1954 à Tifrit Nait Oumalek (Algérie), a demandé à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), en qualité d'enfant d'ancien harki ayant personnellement séjourné dans un camp à la suite du rapatriement en France de sa famille, à bénéficier du dispositif d'aide mis en place par le décret du 28 décembre 2018 à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés. Par une décision du 17 mai 2021, procédant au retrait d'une précédente décision implicite de rejet, la directrice générale de l'ONACVG a attribué une aide financière de 12 000 euros à M. A.... Celui-ci a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes tendant à l'annulation, d'abord de la décision implicite de rejet de sa demande, puis de la décision expresse du 17 mai 2021 en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à sa demande en ne lui accordant qu'une somme de 12 000 euros. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal a rejeté lesdites demandes. Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...). La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours ". 3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la décision par laquelle tribunal a statué sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A... n'est pas susceptible de recours. Par suite, ses conclusions d'appel dirigées contre le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2206635 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, qui ont séjourné pendant au moins quatre-vingt-dix jours dans un camp ou un hameau de forestage à la suite du rapatriement de leur famille sur le territoire national, et qui résident en France de manière stable et effective, peuvent demander, jusqu'au 31 décembre 2022, une aide de solidarité lorsque leurs ressources ne leur permettent pas de s'acquitter de dépenses ayant un caractère essentiel dans les domaines de la santé, du logement ou de la formation et de l'insertion professionnelle. / La liste des camps ou hameaux de forestage mentionnés au premier alinéa figure en annexe au présent décret. / Nul ne peut bénéficier de plus d'une aide au titre de chacun des trois domaines mentionnés au premier alinéa. Le montant de chaque aide, qui fait l'objet d'un seul versement, ne peut être révisé. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La décision d'attribution de l'aide est prise, dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, par le directeur général de l'Office, après instruction du service départemental ou territorial compétent. / Pour attribuer l'aide et en déterminer le montant, le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre prend en compte, d'une part, la durée de séjour du demandeur dans le camp ou le hameau de forestage et les conditions de scolarisation qu'il y a connues, d'autre part, l'ensemble des éléments de sa situation personnelle en ce qui concerne la composition de son foyer, le niveau de ses revenus et de ses charges, ainsi que la nature et le montant des dépenses mentionnées au premier alinéa de l'article 1er demeurant à sa charge après prise en compte, le cas échéant, des dispositifs de droit commun existants susceptibles de les couvrir. ". 5. Par une instruction n°2020-01/ARM/ONACVG du 19 mai 2020 relative au dispositif d'aide de solidarité à destination des enfants d'ex-membres des formations supplétives et assimilées ayant servi l'armée française pendant la guerre d'Algérie, l'ONACVG a défini les modalités de traitement des demandes au titre du dispositif institué par le décret du 28 décembre 2018. L'instruction précise d'une part, que ce dispositif est destiné à apporter une aide de solidarité à ses destinataires afin de prendre en charge des dépenses ayant un caractère essentiel, dans les domaines du logement, de la santé, de la formation et de l'insertion professionnelle et d'autre part, que les services doivent apprécier la situation et le besoin des demandeurs en prenant en compte trois critères liés au temps cumulé des séjours dans les camps, les conditions de scolarisation dérogatoires de droit commun, et la situation personnelle du demandeur. Son annexe, intitulée " Fiche d'aide à la décision ", fixe la méthode de modulation de ces critères en fonction d'éléments d'information et indique que, pour assurer une homogénéité dans le traitement des demandes, les montants d'aide peuvent varier, selon que le demandeur relève d'une priorité 1, 2, 3 ou 4, dans des limites indicatives fixées entre 500 euros et 10 000 euros. 6. Alors que l'article 3 du décret du 28 décembre 2018 précité prévoit que la décision d'attribution de l'aide est prise dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'ONACVG, et après appréciation de la situation du demandeur, l'instruction du 19 mai 2020 en cause n'a fait qu'encadrer l'action de l'administration, afin d'en assurer la cohérence dans la limite des crédits disponibles, en précisant, par la voie de lignes directrices, et sans édicter de condition nouvelle, ni à l'inverse étendre le champ d'application du dispositif, les critères applicables permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation. Contrairement à ce que M. A... soutient, les modalités de traitement des demandes telles que précisément définies dans l'instruction du 19 mai 2020, qui conduisent à l'attribution d'une aide, comprise, en principe, entre 500 euros et 10 000 euros, en fonction du degré de priorité, de 1 à 4, du demandeur, résultant du nombre de points obtenus à chaque critère, garantissent le respect du principe d'égalité entre les bénéficiaires. D'ailleurs, l'appréciation particulière de la situation de M. A... a conduit l'ONACVG, au regard des éléments d'information en sa possession, à lui attribuer, au-delà du plafond indicatif de 10 000 euros, une aide de 12 000 euros. Par suite, et quand bien même les modalités de traitement des demandes définies par l'instruction du 19 mai 2020 ne conduiraient pas, dans les faits, à un épuisement des crédits prévus à ce titre, M. A... n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que l'instruction serait entachée d'illégalité. 7. Il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer le montant de l'aide attribuée à M. A..., la directrice générale de l'ONACVG a tenu compte des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment la circonstance qu'il a passé 5 296 jours dans les camps d'accueil de Bourg Lastic, la Rye le Vigeant et Bias entre le 1er octobre 1962 et le 31 décembre 1976, date de fermeture administrative du camp de Bias et qu'il est propriétaire d'une maison depuis 2011. Elle a également tenu compte des conditions de scolarisation dérogatoire des structures dans lesquelles il a vécu entre 1962 et 1975, ainsi que du niveau de ses ressources, évalué entre 0 et 300 euros par mois. Si M. A... produit des devis de rénovation de sa maison, datés du 11 janvier 2023, ils sont postérieurs à la date de la décision attaquée, à laquelle s'apprécie sa légalité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. A... présenterait, au niveau de son environnement social et de sa santé, une situation d'isolement géographique, familial ou social, ni qu'il aurait toujours ses enfants à charge ou même qu'il serait en situation de handicap ou de dépendance. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la directrice générale de l'ONACVG a évalué à la somme de 12 000 euros le montant de l'aide de solidarité mentionnée à l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 attribuée à M. A.... 8. Si M. A... soutient qu'il a subi des préjudices en lien avec l'indignité des conditions d'accueil et de vie dans les lieux où les harkis ont été hébergés en France, entre 1962 et 1975, cette circonstance qui serait, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans le cadre du régime particulier d'indemnisation prévue par la loi du 23 février 2022 visée ci-dessus, est sans incidence sur la légalité de l'aide versée dans le cadre du dispositif instauré par le décret du 28 décembre 2018. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte et celles liées aux frais de l'instance doivent être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient : Mme Evelyne Balzamo, présidente, Mme Béatrice Molina-Andreo, présidente-assesseure, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025. La rapporteure, Béatrice Molina-Andréo La présidente, Evelyne Balzamo La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 23BX01964
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 5ème chambre, 15/04/2025, 23PA04782, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions ministérielles des 18 novembre 2020 et 3 décembre 2020 refusant, pour la première, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et la plaçant, pour la seconde, en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a présenté, le 19 janvier 2021, contre ces décisions. Par un jugement no 2110598 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2025, qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; 3°) d'enjoindre aux ministres des ministères sociaux, à titre principal, de reconnaître l'accident de service qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel. Elle soutient que : - en l'absence de médecin psychiatre, la composition de la commission de réforme n'était pas conforme à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - la décision refusant de reconnaître un accident de service est entachée d'une erreur de droit dès lors que les ministres, qui se sont estimés liés par l'avis émis par la commission de réforme, ont méconnu leur compétence ; - cette décision procède d'une inexacte appréciation de sa situation dès lors que la condition tenant à l'existence d'un fait accidentel survenu dans le temps et sur le lieu du service est remplie, et qu'aucune circonstance particulière ne détache le lien existant entre les troubles qu'elle a présentés suite à cet accident et le service. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la décision du 28 juin 2021 plaçant Mme B... en congé de longue maladie, devenue définitive, s'étant substituée à la décision du 3 décembre 2020 qui la plaçait en congé de maladie ordinaire, les conclusions dirigées contre cette décision sont devenues sans objet ; - les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 mars 2025 : - le rapport de Mme Milon, - les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique, - et les observations de Me Achard, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été détachée en 2006 puis intégrée, en 2007, au sein des ministères sociaux, après avoir exercé plusieurs années au sein de l'entreprise France Telecom. Affectée à la direction de la sécurité sociale, elle a été promue en 2019 secrétaire administrative de classe exceptionnelle. Victime d'un malaise survenu à la suite d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique le 12 février 2019, Mme B... a déclaré un accident de service et a été placée en arrêt de travail à compter du 13 février 2019. Par une décision du 18 novembre 2020, sa demande tendant à la reconnaissance d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et à son placement en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019 a été refusée et, par un arrêté du 3 décembre 2020, elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019. Par un jugement rendu le 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme B... doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 19 janvier 2021. Sur le moyen relatif à la composition de la commission de réforme : 2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 12 février 2019 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 10 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui régit la situation des fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 18 novembre 2020 : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel, une commission de réforme ministérielle (...) composée comme suit : / (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du présent décret. (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret, qui précise la composition du comité médical ministériel, prévoit que celui-ci comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 13 de ce décret : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dans les conditions prévues au titre VI bis ; / (...) / 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même décret, alors applicable : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / (...) ". 4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points précédents, alors en vigueur, qu'elles imposaient la présence d'un médecin spécialiste seulement lorsque la commission de réforme était consultée sur l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée. En l'espèce, la commission de réforme, qui n'était pas saisie d'une demande tendant au bénéfice d'un tel congé, pouvait ainsi valablement délibérer sans que participe à la délibération un médecin spécialiste de l'affection résultant de l'événement dont Mme B... demandait qu'il soit qualifié d'accident de service. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la procédure préalable à la décision attaquée aurait été irrégulière, faute pour la commission de réforme d'avoir compris un médecin psychiatre parmi ses membres. Sur le moyen d'erreur de droit : 5. Si Mme B... fait valoir que la décision du 18 novembre 2020 s'est appropriée le motif de l'avis défavorable émis par la commission de réforme, tenant à l'absence de fait accidentel, il ne résulte pas de cette seule circonstance que l'autorité compétente se serait crue en situation de compétence liée pour refuser de reconnaître l'existence d'un accident de service et, par suite, l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre. Le moyen d'erreur de droit doit être écarté. Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation : 6. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2 du présent arrêt, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un entretien organisé par sa supérieure hiérarchique, Mme A..., le 12 février 2019 à 15h30 et qu'à la suite de cet entretien, elle s'est rendue à l'infirmerie, en état de stress et en pleurs, ce qui a conduit à solliciter le médecin de prévention et à faire intervenir les équipiers secouristes du ministère, qui l'ont mise en contact avec le médecin régulateur du SAMU, avant qu'elle ne soit autorisée à rentrer à son domicile. 8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que cet entretien inopiné a fait suite à l'attitude inadaptée que Mme B... avait elle-même adoptée à l'égard de deux stagiaires placés sous sa responsabilité, dont l'une avait fait un malaise, et que sa supérieure lui a demandé des précisions sur les circonstances de cet incident, qui lui avait été rapporté. Cet entretien avait ainsi un objet qui s'inscrivait dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 9. D'autre part, il ressort du registre des accidents du travail de l'infirmerie que Mme B... a déclaré, le 12 février après-midi, avoir eu " le coup de stress en trop ", sa cheffe lui reprochant d'avoir " parlé violemment aux stagiaires ". Si, dans le courrier joint à sa déclaration d'accident, elle affirme que sa responsable se serait adressée à elle en employant un ton agressif et un regard qu'elle qualifie de " mauvais ", en l'invectivant et en cherchant à la culpabiliser, et si elle produit deux attestations de collègues évoquant un mode de communication brusque avec son équipe et une attestation d'un responsable syndical évoquant des " faits et paroles " constitutifs, à son sens, d'un harcèlement moral de la part de Mme A... à l'égard de plusieurs agents contractuels au sein de la structure qu'elle encadrait à la fin de 2014 et au début de 2015, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que sa responsable aurait adopté, lors de l'entretien du 12 février 2019, un comportement qui aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. De même, en indiquant à Mme B... qu'il n'y aurait plus de stagiaires dans le service, lui précisant ainsi les possibles répercussions de son attitude inadaptée à l'égard des stagiaires placés sous sa responsabilité, sa supérieure ne peut être regardée comme ayant excédé les limites de l'exercice de l'autorité hiérarchique. 10. Certes, il ressort notamment des certificats établis par son médecin traitant et par un médecin psychiatre que Mme B... a présenté, à la suite de l'entretien du 12 février 2019, divers troubles relevant, d'après le second de ces médecins, d'un syndrome post-traumatique. Toutefois, ni l'état réactionnel présenté par Mme B... à la suite de l'entretien, ni son placement en congé de maladie, ne sont de nature à établir que sa supérieure hiérarchique aurait, au cours de cet entretien, adopté un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme B... ne peut être regardée comme ayant été victime, le 12 février 2019, d'un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. Par suite, les ministres ont pu légalement estimer, par leur décision du 18 novembre 2020 et par la décision rejetant le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision, que l'événement survenu le 12 février 2019 n'était pas un fait accidentel. Enfin, les décisions attaquées, qui rejettent sa demande de reconnaissance d'un accident de service, étant fondées sur l'absence de fait accidentel, Mme B... ne peut utilement faire valoir qu'en l'absence de circonstance particulière, cette imputabilité devrait être reconnue. 12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'existence d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, et celle rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Fombeur, présidente de la cour, - M. Barthez, président de chambre, - Mme Milon, présidente assesseure. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025. La rapporteure, A. MILONLa présidente, P. FOMBEUR La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7 2 N° 23PA04782
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 5ème chambre, 22/04/2025, 22NC01223, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 2000925 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 20 décembre 2019 et du 25 mars 2020 par lesquelles le préfet des Ardennes a respectivement refusé de reconnaître la tularémie dont M. B... est atteint comme imputable au service et a rejeté son recours gracieux et a enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; 2°) de rejeter la demande de première instance de M. B.... Il soutient que : - le tribunal a appliqué à tort l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que cette disposition n'est entrée en vigueur que le 24 février 2019 ; - il n'existe aucun lien direct entre la tularémie développée par M. B... et l'exercice de ses fonctions ou de ses conditions de travail. Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2022, M. B... conclut au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et demande à la Cour de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, - et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est adjoint technique du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer. Il a été affecté au sein de la préfecture des Ardennes en 1981 pour exercer les fonctions de jardinier avant d'être affecté à compter de 2014 à un emploi d'agent de maintenance et de manutention. En 2016, M. B... a connu des problèmes de santé successifs avant d'être placé en congé de longue maladie du 15 septembre 2016 au 14 septembre 2019 et qu'une tularémie soit diagnostiquée en février 2018. M. B... a sollicité la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle et, par un arrêté du 20 décembre 2019, le préfet des Ardennes a refusé de reconnaitre cette imputabilité. M. B... a présenté un recours gracieux qui a été rejeté le 25 mars 2020. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 20 décembre 2019 et 25 mars 2020 et a enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 5. En l'espèce, M. B... a sollicité le 5 novembre 2018 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en produisant un certificat médical mentionnant une date de première constatation médicale de la maladie dont il était affecté au 19 septembre 2016. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de M. B... a été diagnostiquée en février 2018. En conséquence, la pathologie a été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Seules les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 citées au point 2 étaient applicables. 6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un compte-rendu médical établi le 28 février 2018 par un médecin spécialisé en maladies infectieuses et tropicales, qu'en septembre 2016, M. B... a constaté la présence d'écorchures et d'une piqure d'insecte sur son bras droit. A la fin de ce même mois de septembre 2016, M. B... a présenté un syndrome grippal associé à une conjonctivite purulente, des vertiges et malaises à répétition. Sont ensuite apparus une polyarthralgie aux poignets, une polyarthrite localisée aux articulations des mains, genoux et pieds, des sueurs nocturnes, une hypoesthésie au niveau de la cuisse droite et une dysesthésie et paresthésie des deux pieds ainsi qu'une paralysie faciale droite à bascule. En janvier 2017, alors que M. B... était hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims, une sérologie Francisella Tularensis a révélé des résultats douteux à recontrôler. Par la suite, le point de piqure d'insecte constaté en septembre 2016 a évolué en la constitution d'un nodule induré dont M. B... a extrait une tique de type ixodes ricinus en mai 2017. En janvier 2018, une nouvelle sérologie tularémique s'est révélée positive. La tularémie est une maladie infectieuse due à la bactérie Francisella tularensis qui peut être contractée par l'homme par contact direct avec un animal ou un insecte porteur ou avec un environnement contaminé. Par ailleurs, l'expertise médicale réalisée le 14 février 2019 par le médecin agréé de la commission de réforme a conclu à l'existence d'une symptomatologie pouvant être rattachée directement à la tularémie dont M. B... est atteint et a relevé qu'une contamination extra-professionnelle devait être exclue compte tenu de l'absence de loisirs réguliers de M. B... en forêt. Au demeurant, il est constant que les fonctions de M. B... ont pour effet de le placer en contact direct et régulier avec les jardins et espaces verts. Enfin, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de la tularémie de M. B... en maladie professionnelle le 13 septembre 2019. Par conséquent, la maladie dont est affecté M. B... présente un lien direct avec ses conditions de travail et doit être regardée comme imputable au service. 8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la tularémie dont est atteint M. B... et la décision du 25 mars 2020 par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté le recours gracieux de l'agent. Sur les frais liés au litige : 9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient : - M. Durup de Baleine, président, - M. Barlerin, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : A. Durup de Baleine Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 22NC01223 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 5ème chambre, 22/04/2025, 24NC00632, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002, ces conclusions en annulation étant assorties de conclusions à fin d'injonction et de conclusions à fin d'indemnité. Par un jugement n° 1604215 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19NC02326 du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... dirigée contre ce jugement du 3 mai 2019. Par une décision n° 462067 du 12 mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et renvoyé l'affaire devant la même cour. Procédure devant la cour : Productions présentées avant le renvoi : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2019, 21 février et 26 juin 2020 et 15 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Welzer, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2019 ; 2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ; 3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration, en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ; 4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ; 5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ; 6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ; 7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ; 8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement méconnaît le principe du contradictoire faute pour le tribunal d'avoir sollicité auprès du ministère de l'intérieur des justificatifs à l'appui de ses allégations erronées ; - le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur le bien-fondé du jugement : - sa requête est recevable, l'autorité de la chose jugée n'y faisant pas obstacle ; - en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans qu'il y ait lieu de rechercher une aggravation de son état postérieurement à l'avis du comité médical supérieur de juin 2001 ; - il est fondé à demander la majoration au titre de l'assistance d'une tierce personne à compter du 25 janvier 2002 en application de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires ; - l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires ne lui est pas opposable puisqu'il n'a pas sollicité la révision de sa pension civile de retraite sur le fondement des articles L. 4-1° et L. 25-1° du code des pensions civiles et militaires mais sur le fondement des articles L. 24-12°, L. 27, L. 28 et L.30 ; - les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ; - l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et que les éléments dont il se prévaut ne sont pas de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée le 3 décembre 2009 par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt n° 08NC01777 et les 16 juillet 2012 et 24 septembre 2015 par le tribunal administratif de Strasbourg dans les jugements n° 092821-1102410 et n° 1203220. Productions présentées après le renvoi : Par des mémoires enregistrés les 13 mai 2024, 22 mai 2024 et un dernier mémoire non communiqué le 8 août 2024, M. B..., représenté par la SCP Gadiou, Chevallier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2019 ; 2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ; 3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ; 4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ; 5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ; 6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ; 7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ; 8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 840 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a modifié la nature de ses demandes et ses conclusions ; - le tribunal s'est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors que le ministre de l'intérieur n'a pas produit les courriers de convocation de l'administration pour des examens médicaux en recommandé avec accusé de réception ; - l'avis du comité médical du 18 janvier 2000 est irrégulier en tant qu'il a été émis au terme d'une procédure méconnaissant les dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et des articles 7, 25 ou 41 du décret du 14 mars 1986 ; - la procédure suivie par le comité médical est irrégulière pour violation des droits de la défense ; - c'est par un détournement de procédure que l'administration a saisi le comité médical ; - cet avis du 18 janvier 2000 a été rendu par une composition irrégulière méconnaissant les articles 5,6 et 7 du décret du 14 mars 1986 ; - cet avis est insuffisamment motivé ; - il présente une incapacité permanente et définitive à exercer ses fonctions et tout autre travail depuis 1999 et son état est incompatible avec un reclassement dans un autre emploi ; - l'article 25 du décret du 14 mars 1986 est inapplicable à sa situation et en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ; - l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002. Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions à fin d'annulation sont tardives, que l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'annulation et que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le ministre de l'action et des comptes publics a été informé de la reprise d'instance et n'a pas produit. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 16 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, - et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique. Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2025, a été présentée par M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale. Il a été victime les 27 août 1983, 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux derniers accidents en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Le 19 octobre 1998, M. B... a subi une chute qui a été également reconnue comme imputable au service. Par un courrier du 13 décembre 1999, l'administration a indiqué à M. B... que le médecin inspecteur régional l'avait reconnu apte à reprendre ses fonctions dès le 25 novembre 1999 dans un poste administratif et lui a prescrit de rejoindre son poste immédiatement. Sur saisine de M. B..., le comité médical départemental a, par un avis du 18 janvier 2000, confirmé son aptitude à reprendre ses fonctions à compter du 25 novembre 1999. Cette décision a été validée par le comité médical supérieur par un avis du 26 juin 2001. En dépit des mises en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation des cadres des 16 et 31 juillet 2001, M. B... a maintenu sa position en arrêt de travail. Le médecin agréé n'a pas constaté d'aggravation de son état de santé lors de l'analyse de l'état de santé de l'intéressé le 6 septembre 2001. Malgré une ultime mise en demeure du préfet du 29 janvier 2002 restée vaine, le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale pour abandon de poste par une décision du 25 avril 2002. Cette décision ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 4 mai 2006, le ministre a pris une nouvelle décision le 27 octobre 2006 radiant M. B... des cadres de la police nationale pour abandon de poste à compter du 9 février 2002. Par un arrêt devenu définitif du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... relevant appel du jugement du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 octobre 2006 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 10 février 2007. Par des courriers des 3 août 2001, 14 février 2002, 16 juin 2002, 22 novembre 2002, 16 novembre 2006 et 5 octobre 2010, M. B... a demandé au ministre de l'intérieur de lui octroyer une pension civile d'invalidité à un taux de 50 % à compter du 25 janvier 2002 accompagnée d'une rente viagère d'invalidité et de la majoration pour tierce personne avec demande des arrérages estimés à 400 000 euros. Par un second courrier du 16 juin 2002, M. B... a également demandé une indemnité par mois de retard de 870 euros assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation. Enfin, le 27 juin 2016, M. B... a demandé à l'administration de lui verser une indemnité de 150 510 euros en réparation de ses préjudices matériels et moraux au titre de la période du 25 janvier 2002 au 30 juin 2016. Ces demandes ont donné lieu à des décisions implicites de rejet. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes des 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 et d'annuler, par voie de conséquence, la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002. Par un jugement du 3 mai 2019, le tribunal a rejeté l'ensemble de ces demandes d'annulation, ainsi que les conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction. Par un arrêt du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel relevé par M. B... contre ce jugement. Sur pourvoi introduit par M. B..., le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant cette même cour. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. B... ne saurait soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'erreur d'appréciation dès lors que cette critique des motifs du jugement est étrangère à sa régularité. 3. En deuxième lieu, l'article R. 611-10 du code de justice administrative dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ". La mise en œuvre de ce pouvoir d'instruction constitue un pouvoir propre du juge. 4. Contrairement à ce que soutient M. B..., en s'abstenant d'ordonner à l'administration de communiquer les courriers de convocation à des examens médicaux, le tribunal, qui apprécie l'utilité d'une mesure d'instruction, y compris lorsqu'elle est sollicitée par l'une des parties, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. 5. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif aurait modifié la nature des demandes de la requête de M. B..., ni qu'il aurait statué en-deçà ou au-delà des conclusions dont étaient saisis les premiers juges. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'exception de chose jugée opposée par le ministre de l'intérieur aux conclusions en annulation : 6. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". L'autorité de la chose jugée d'une décision juridictionnelle, qui s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause. 7. En premier lieu, par une demande enregistrée sous le n° 1203220, M. B... avait demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes du 14 février 2002, du 22 novembre 2002, du 16 novembre 2006 et du 5 octobre 2010 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé de le radier des cadres de la police nationale pour invalidité à compter du 25 janvier 2002, de l'admettre en retraite d'office en lui accordant une pension à un taux de 50 % et de lui attribuer une rente d'invalidité. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 24 septembre 2015 devenu définitif. Cette demande du 14 février 2002, qui réitérait la demande du 3 août 2001, avait le même objet que cette dernière. La demande du 16 juin 2002 réitérait celle du 14 février 2002 et avait, par suite, le même objet que celui de cette dernière et de celle du 3 août 2001. Par conséquent, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'appui de sa requête n° 1604215 rejetée, comme mal fondée, par le jugement du 3 mai 2019, puis devant la cour dans le cadre de la présente instance, demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, des décisions implicites de rejet de ses demandes des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002, a le même objet que les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le précédent jugement n° 1203220 du 24 septembre 2015. Les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le jugement du 3 mai 2019 sont fondées sur des moyens reposant sur la même cause juridique que celles rejetées par le jugement du 24 septembre 2015. L'autorité de la chose jugée s'attachant à ce dernier jugement, par suite de la triple identité de parties, d'objet et de cause, fait, dès lors, obstacle à ce que les prétentions de M. B... soient accueillies. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que cette autorité fait obstacle à ce que M. B... demande à nouveau l'annulation des décisions par lesquelles le ministre a implicitement rejeté ses demandes tendant à son admission à la retraite pour invalidité et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité et d'une pension civile d'invalidité, assortie d'une majoration pour tierce personne. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement du 30 septembre 2008, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du 27 octobre 2006 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale à compter du 9 février 2002 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un arrêt, définitif, du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête dirigée par M. B... contre ce jugement. Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation, serait-ce par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006, réitérées devant la cour à l'occasion de la présente instance, ont le même objet que celles ainsi rejetées par ce jugement du 30 septembre 2008. Ces conclusions reposent sur des moyens relevant d'une même cause juridique déjà soulevée dans l'instance ayant donné lieu à ce jugement. Dès lors, l'autorité s'attachant à ce dernier fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à ces conclusions tendant à l'annulation, par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006. 9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation, d'une part, des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur les demandes de M. B... des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 et, d'autre part, de la décision du 27 octobre 2006 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il ne saurait être fait droit aux conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 10. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 11. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 12. M. B... demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de troubles moraux, psychologiques et financiers. Il n'apporte toutefois aucun élément permettant à la cour d'évaluer le préjudice financier dont il se prévaut et ne justifie d'aucun préjudice psychologique ni moral. Par conséquent, ses conclusions indemnitaires ne peuvent être accueillies. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes. Sur les frais liés au litige : 14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient : - M. Durup de Baleine, président, - M. Barlerin, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : A. Durup de Baleine Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 24NC00632 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 15/04/2025, 24MA00790, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts l'a placée en congé de maladie ordinaire du 5 novembre 2020 au 30 septembre 2021 ainsi que la décision du 15 novembre 2021 rejetant son recours gracieux du 16 septembre 2021, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute du 5 novembre 2020. Par un jugement n° 2200314 du 7 février 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 2 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la Cour : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2200314 du 7 février 2024 rendu par le tribunal administratif de Marseille, ainsi que l'arrêté n° 2021361 du 7 juillet 2021 et la décision du 15 novembre 2021 portant rejet de son recours gracieux ; 2°) d'enjoindre à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute du 5 novembre 2020, avec toutes conséquences de droit, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la lecture de l'arrêt à intervenir ; 3°) avant dire droit, d'ordonner, sur le fondement des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative, une expertise judiciaire médicale contradictoire ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, outre les dépens, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif considère que l'absence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée lors de la séance de la commission de réforme ne l'a pas privée d'une garantie dès lors que l'ensemble des éléments médicaux concluaient à l'imputabilité au service de la rechute ; - le jugement ne pouvait régulièrement se prononcer sur la présence ou non du taux d'incapacité permanente de 25 % pour rejeter sa demande, sans préalablement se poser la question de savoir si son état était consolidé, et si, de ce fait, il convenait de s'interroger sur la présence d'une rechute ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dès lors qu'aucun médecin spécialiste en psychiatrie n'a participé aux débats de la commission de réforme, ce qui l'a nécessairement privée d'une garantie, ce d'autant que le médecin expert désigné par l'administration avait conclu à l'imputabilité au service de sa rechute ; - en omettant de demander la détermination de son taux d'incapacité permanente partielle et en statuant sur sa demande sans même connaître ce taux, la commune a entaché sa décision d'illégalité ; - cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'arrêt de travail du 5 novembre 2020 aurait dû être reconnu comme étant une rechute de l'accident de service dont elle a été victime ; - il apparaît nécessaire d'ordonner une expertise médicale de manière contradictoire, afin de déterminer son taux d'incapacité permanente ainsi que la date de consolidation de son état de santé. La requête a été communiquée à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, qui n'a pas produit d'observations. Un courrier du 17 octobre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative ; Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - les observations de Me Harutyunyan, représentant Mme B..., - et les observations de Me Extremet, substituant Me Ladouari, représentant la commune de Saint-Mitre-les-Remparts. Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., par Me Harutyunyan, a été enregistrée le 25 mars 2025. Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, par Me Ladouari, a été enregistrée le 27 mars 2025. Considérant ce qui suit : 1. Par deux jugements définitifs du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a annulé la décision du 25 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts a déclaré non imputable au service l'arrêt de travail de Mme B... du 23 mars 2016 et enjoint à la commune de reconnaître comme imputable au service l'affection en raison de laquelle cet agent a été placée en congé de maladie à partir du 23 mars 2016, et, d'autre part, a annulé la décision du 23 juin 2016 ayant mis fin à son stage à compter du 1er juillet 2016 et l'ayant radiée des cadres de la commune, et enjoint à celle-ci de la réintégrer dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière. A l'expiration de son dernier arrêt de maladie, Mme B... a sollicité et obtenu sa réintégration dans les effectifs de la commune à compter du 1er septembre 2020, et a été affectée sur l'emploi de chef du service " Saint Mitre information " à compter de cette date. La reprise effective des fonctions est intervenue le 21 septembre 2020 après un avis favorable du médecin du travail. Le 5 novembre 2020, Mme B... a de nouveau été placée en arrêt de travail, et a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service du congé de maladie correspondant. Après l'avoir placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) pendant la période nécessaire à l'instruction de cette demande, le maire, par une décision du 7 juillet 2021, a retiré les arrêtés de placement et de prolongation de Mme B... en CITIS et l'a placée en congé de maladie ordinaire entre les 5 novembre 2020 et 1er février 2021 à plein traitement, et entre les 2 février et 30 septembre 2021 à demi-traitement. Et par décision du 15 novembre 2021, le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts a rejeté le recours gracieux de Mme B... dirigé contre l'arrêté du 7 juillet 2021. Mme B... relève appel du jugement du 7 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2021 et de la décision du 15 novembre 2021. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Il ressort sans ambiguïté des pièces du dossier, notamment du certificat d'arrêt de travail du 5 novembre 2020 ainsi que du courrier adressé le 2 décembre 2020 par Mme B... au maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, que l'intéressée a sollicité la reconnaissance d'imputabilité au service de ses arrêts maladie à compter du 5 novembre 2020 au titre d'une rechute de la maladie, constatée le 23 mars 2016, qui avait été reconnue imputable au service. 3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 4. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis qui prévoit notamment, aux termes de dispositions désormais codifiées à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique que : " (...) II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". 5. Pour l'application de ces dispositions à la fonction publique territoriale, le décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale a inséré les articles 37-1 à 37-20 dans le décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux. Aux termes de l'article 37-3 de ce décret : " I. - La déclaration d'accident de service ou de trajet est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident. / (...) II. - La déclaration de maladie professionnelle prévue à l'article 37-2 est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de deux ans suivant la date de la première constatation médicale de la maladie ou, le cas échéant, de la date à laquelle le fonctionnaire est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. / (...) IV. Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. / Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire entre dans le champ de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou s'il justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes ". Aux termes de l'article 37-17 de ce décret : " Lorsqu'il est guéri ou que les lésions résultant de l'accident de service, de l'accident de trajet ou de la maladie professionnelle sont stabilisées, le fonctionnaire transmet à l'autorité territoriale un certificat médical final de guérison ou de consolidation. / Toute modification de l'état de santé du fonctionnaire constatée médicalement postérieurement à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure qui nécessite un traitement médical peut donner lieu à un nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. / La rechute est déclarée dans le délai d'un mois à compter de sa constatation médicale. La déclaration est transmise dans les formes prévues à l'article 37-2 à l'autorité territoriale dont relève le fonctionnaire à la date de cette déclaration. / L'autorité territoriale apprécie la demande de l'agent dans les conditions prévues au présent titre ". 6. Le même décret du 10 avril 2019, publié au Journal officiel de la République française du 12 avril 2019, comporte, à son article 15, des dispositions transitoires aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en congé à la suite d'un accident ou d'une maladie imputable au service continue de bénéficier de ce congé jusqu'à son terme. Toute prolongation de ce congé postérieure à l'entrée en vigueur du présent décret est accordée dans les conditions prévues au chapitre Ier. / Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret. / Les délais mentionnés à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date ". 7. Le droit des agents publics à bénéficier d'une prise en charge par l'administration à raison d'un accident ou d'une maladie reconnus imputables au service est constitué à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Ce droit inclut celui de bénéficier à nouveau d'une telle prise en charge en cas de rechute, c'est-à-dire d'une modification de l'état de l'agent constatée médicalement postérieurement à la date de consolidation de la blessure ou de guérison apparente et constituant une conséquence exclusive de l'accident ou de la maladie d'origine. Ainsi, quand un accident survenu avant l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 ou une maladie diagnostiquée avant cette date est reconnu imputable au service selon les critères prévalant avant cette même date, il convient, si de nouveaux troubles affectent le même agent après cette date, de rechercher si ces troubles proviennent de l'évolution spontanée des séquelles de l'accident ou de la maladie d'origine, en dehors de tout événement extérieur, et constituent ainsi une conséquence exclusive de cet accident ou de cette maladie. Si tel est le cas, ces troubles ouvrent droit, sans autre condition, au bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service. Dans toute autre hypothèse, il convient d'apprécier leur imputabilité au service dans les conditions prévues depuis l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 8. Les dispositions fixant des règles de forme et de délai sont immédiatement applicables aux situations en cours, sous réserve des mesures transitoires qui les accompagnent le cas échéant. Il en va ainsi des conditions de forme et de délai prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 mentionné au point 4, sous réserve des mesures transitoires prévues à l'article 15 du décret du 10 avril 2019 cité au point 5. Il en résulte que ces conditions de forme et de délai sont applicables aux demandes initiales de congé pour invalidité temporaire imputable au service motivées par un accident ou une maladie dont la déclaration a été déposée après le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, les délais impartis par l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 pour déposer cette déclaration ne commençant toutefois à courir, en application de l'article 15 du premier de ces décrets, qu'à compter du 1er juin 2019. Dès lors que l'article 37-17 du décret du 30 juillet 1987 prévoit que les déclarations de rechute sont transmises dans les formes prévues à l'article 37-2 et examinées dans les mêmes conditions que les demandes initiales de congé pour invalidité temporaire imputable au service, les mêmes conditions de forme trouvent également à s'appliquer aux déclarations de rechute transmises à compter du 13 avril 2019, le délai d'un mois imparti par l'article 37-17 ne commençant toutefois à courir qu'à compter du 1er juin 2019. Pour les mêmes raisons, sont applicables aux demandes présentées au titre d'une rechute à compter du 13 avril 2019 les dispositions du IV de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987, de sorte que si l'agent ne se prévaut pas de sa qualité de victime d'un acte de terrorisme au sens de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou ne justifie pas d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes, l'administration est tenue de rejeter sa demande de rattachement au service lorsque celle-ci ne lui est pas remise dans le délai d'un mois à compter de sa constatation médicale, ce délai ne commençant toutefois à courir, ainsi qu'il a été dit, qu'à compter du 1er juin 2019 (Conseil d'Etat, avis, 18 février 2025, M. C..., n° 495725). 9. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la demande de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 5 novembre 2020 a été présentée au titre d'une rechute de la maladie, diagnostiquée le 23 mars 2016, qui a été reconnue imputable au service selon les critères prévalant avant l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 cité au point 4. Par conséquent, saisie d'une telle demande, il appartenait à la commune, en application des dispositions et principes exposés aux points 3 à 8, de rechercher si les troubles affectant Mme B... à compter du 5 novembre 2020 provenaient de l'évolution spontanée des séquelles de la maladie d'origine, en dehors de tout événement extérieur, et s'ils constituaient, ainsi, une conséquence exclusive de cet accident ou de cette maladie, et, dans la négative, d'apprécier leur imputabilité au service dans les conditions prévues depuis l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Or, si par son courrier du 15 novembre 2021 portant rejet du recours gracieux de Mme B..., le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts a dénié tout lien entre la maladie initiale et les arrêts de travail à compter du 5 novembre 2020, il ne s'est toutefois pas prononcé sur l'existence d'une rechute, en dépit de la demande dont il était saisi. De surcroît, il n'a pas davantage apprécié l'imputabilité au service de ces arrêts dans les conditions prévues depuis l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 en l'absence de démonstration, notamment, de ce que la pathologie en cause, non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, n'aurait pas entraîné une incapacité permanente inférieure au taux de 25 % prévu par l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. Ce faisant, et ainsi que le soutient Mme B..., le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts a entaché ses décisions des 7 juillet 2021 et 15 novembre 2021 d'une erreur de droit, aucun autre moyen n'étant mieux à même de régler le litige. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, ce jugement doit être annulé, ainsi que l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts l'a placée en congé de maladie ordinaire du 5 novembre 2020 au 30 septembre 2021, ensemble la décision du 15 novembre 2021 rejetant son recours gracieux du 16 septembre 2021. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement, compte tenu du motif d'annulation qu'il retient, qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de placer la requérante en position de congé de maladie imputable au service du 5 novembre 2020 au 30 septembre 2021, mais seulement qu'il procède à un réexamen de sa demande. Il y a donc lieu d'enjoindre au maire de cette commune de procéder à ce réexamen, conformément aux principes exposés aux points 3 à 8 du présent arrêt, et de prendre une nouvelle décision sur la demande d'imputabilité présentée par Mme B..., dans un délai de cinq mois à compter de sa notification. Sur les frais liés au litige : 12. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2200314 du 7 février 2024 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : L'arrêté du 7 juillet 2021 et la décision du 15 novembre 2021 du maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts sont annulés. Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de procéder au réexamen de la demande de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 5 novembre 2020 au 30 septembre 2021, dans les conditions exposées au point 11 du présent arrêt, et de prendre une nouvelle décision sur cette demande, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : La commune de Saint-Mitre-les-Remparts versera une somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts. Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 15 avril 2025. 2 N° 24MA00790
Cours administrative d'appel
Marseille